Mavis Gallant, Canadienne, avait 91 ans et était considérée (dans un pays où il y a aussi Alice Munro) comme une nouvelliste de premier plan. Pour toute l'Amérique du Nord, d'ailleurs, écrivait Russell Banks en préface de Laisse couler, un recueil de trois textes réédités en français en 2008. Plus tôt, en 1989, Pierre-Edmond Robert avait traduit Les quatre saisons.
Canadienne anglophone installée en France, Mavis Gallant possède de l'Europe, de ses habitants et de son histoire, une vision tout à fait personnelle qui lui fait préférer les destins individuels aux collectifs, et en particulier quand les uns et autres se heurtent dans des mouvements, sinon contradictoires, au moins divergents.
C'est ainsi que la plupart des personnages de ces neuf nouvelles ne sont pas à leur place. Les Anglais des trois premières nouvelles - à peu de choses près, les plus longues - vivent à l'étranger, à des moments où ils seraient mieux chez eux, soit qu'ils rencontrent, dans les deux premiers cas, la guerre ou, dans le troisième, la mort. Piotr, venu très provisoirement de Pologne, n'aurait pas dû tomber amoureux de Laurie à Paris. Et Thomas, pour prendre un dernier exemple, aurait mieux fait de se débrouiller pour rentrer en Allemagne en même temps que les autres prisonniers de guerre au lieu de prolonger, bien malgré lui cependant, son séjour en France.
Chacun fait bien ce qu'il peut pour faire son trou là où il est, mais ce n'est pas facile. Et les tranches de vies que Mavis Gallant nous sert ici sont rarement réjouissantes. Il n'empêche que, le plus souvent, ces nouvelles ouvrent sur un avenir inconnu, donc peut-être meilleur. Et que le partage de ces moments donne au lecteur l'impression de soulager quelques personnages d'une partie de leur fardeau.
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