Dans la famille
Torres-Thompson, on a enfoui loin la mémoire des origines mexicaines de Scott,
devenu un véritable Californien. Et soumis, comme beaucoup d’Américains, à la
pression d’une économie qui ne se porte pas très bien. Maureen et lui doivent
réduire leur train de vie, licencier du personnel et ne garder avec eux, pour
le ménage, la cuisine et s’occuper des enfants, qu’une Mexicaine. Araceli
devient femme à tout faire. Sans papiers et payée au noir, Araceli a l’âme
d’une artiste, ce qu’ignorent bien sûr ses patrons. Ils ne voient en elle
qu’une auxiliaire utile, sans mesurer à quel point les services qu’elle leur
rend sont considérables. Ils auront l’occasion de s’en rendre compte.
Ce sera pour la troisième
partie du roman, quand Araceli ne sera plus là. Quand de vives tensions auront
convaincu une partie de la population locale qu’elle est dangereuse. Alors que,
suite à une dispute entre leurs parents, elle a cherché à mettre les garçons en
sécurité en partant à la recherche de leur grand-père. L’absence simultanée de
Maureen et de Scott est en partie provoquée par un malentendu, chacun des deux
pensant que l’autre est resté à la maison. Seule Araceli, qui n’aime pas
s’occuper d’enfants, est là pour faire au mieux.
Le nœud de Printemps barbare est resserré
progressivement par Héctor Tobar, dont ce roman était le premier à paraître en
français. Il piège en même temps Araceli et les Torres-Thompson, devenus les
parties antagonistes d’un débat qui leur passe loin par-dessus la tête. La
jeune Mexicaine est soupçonnée d’avoir enlevé les enfants mais l’accusation ne
tient pas la route, ainsi que le comprennent celles et ceux qui se penchent
sans a priori sur la question. En revanche, l’opinion publique, ameutée par des
médias qui vendent du spectaculaire à tout prix, sans souci de chercher la
vérité, se divise. Ceux qui hurlent le plus fort évoquent les menaces qui
pèsent sur les bonnes familles américaines en raison de la présence massive
d’immigrés illégaux. Les autres, qu’on entend à peine moins, dénoncent les
conditions précaires dans lesquelles vivent ces mêmes immigrés, et leur rejet
aux marges de la société. Tous les arguments sont bons pour les deux parties et
qu’importe s’ils reposent sur des idées préconçues plutôt que sur la réalité.
Le romancier – d’origine
guatémaltèque, il n’est pas inutile de le signaler – évite toute
simplification. Les parents américains ne sont pas des monstres, Araceli n’est
pas toute de perfection. Mais il montre comment il est facile de déraper quand
on s’observe avec crainte.
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