Une trentaine d’années
après Laura Colombe, le recueil de
contes érotiques et cruels qui l’avait fait connaître au public belge, Nadine
Monfils n’a rien perdu de sa fantaisie. Elle a, dans le même temps, accru sans
cesse le nombre de ses lecteurs. Si bien qu’elle occupe aujourd’hui, sur le
terrain d’un polar imprégné de sa singulière poésie, une place majeure pour les
amateurs d’un imaginaire libéré de toutes contraintes. Comme elle a en outre beaucoup
publié, ses livres arrivent en rafale chez les libraires et à la Foire duLivre, des rééditions accompagnant une nouveauté.
Son éditeur a remis en
selle le commissaire Léon, héros de dix romans (et d’un film, Madame Edouard) resservis en cinq
volumes en cours de réédition. A Montmartre, son port
d’attache, ou à Rome, il tire les fils d’enquêtes improbables tout en nouant
ceux des lainages qu’il tricote pour son chien homosexuel, Babelutte.
En poche l'an dernier, La petite fêlée aux allumettes rappelait que Pandore n’est pas une ville de tout
repos. Cela se confirme dans La vieille qui voulait tuer le bon dieu (en poche cette année) que Nadine Monfils y a situé. Les
premières lignes plantaient, sinon le décor, le thermomètre à une altitude
élevée : « Ce jour-là, le
soleil avait dénoué son écharpe et inondait Pandore de ses rayons dorés.
L’après-midi touchait à sa fin et il faisait une chaleur à cuire un œuf sur le
dos d’un pitbull. »
On n’a pas fini de
chauffer, en particulier Ginette, femme de ménage dans une entreprise de pompes
funèbres, épouse fidèle de Marcel qui l’attend chaque jour à la maison,
confiant dans sa ponctualité. Ce jour-là, Ginette, qui n’est pas exempte de
coquetterie (bien qu’elle s’appelle Plouf) et qui rêvait du destin de Lady Di,
s’est offert une paire de chaussures jaunes. Magnifiques. Eblouissantes. Et
ancienne propriété de Lady Di, lui a dit le vendeur. Il n’en fallait pas plus
pour se laisser convaincre, craquer deux cents euros détournés du compte
commun, et repartir guillerette mais en retard. Un homme la suit, lui parle en
poète (à deux balles), la séduit, la saute sur le capot d’une Mercedes et
disparaît. Ginette a perdu une chaussure et gagné une rare allégresse. Quelle
belle journée ! Gâchée au retour, cependant : Marcel, son Marcel qui
s’empiffrait de bières et de pizzas, a été assassiné…
C’est le début d’une intrigue foutraque que
Nadine Monfils tire dans tous les sens où son imagination la mène – et elle a
l’imagination débordante. Elle est considérablement aidée dans son entreprise
par Mémé Cornemuse, devenue un des personnages récurrents les plus
impressionnants de la série de polars en cours. Concierge dans l’immeuble où
habite Ginette, Mémé Cornemuse ne jure que par Jean-Claude Van Damme, ne se
détend qu’en matant des films pornos et ne fait de projets qu’illégaux. Le
dernier en date, qui justifie son poste de concierge, consiste à faire percer
par un complice un tunnel menant tout droit à la bijouterie voisine. L’affaire
était bien engagée mais voici qu’arrive dans le quartier, hébergée dans un
couvent, « Micheline Martini,
complice de son mari pédophile qui avait laissé mourir des gamines de faim dans
sa cave ». Ce n’est plus la place d’une bijouterie haut de gamme.
Déménagement, fin du beau projet de Mémé Cornemuse. Et rebondissements en
pagaille.
A suivre, d'ailleurs, dans un nouvel épisode des aventures de Mémé Cornemuse, Mémé goes to Hollywood, tout frais paru.
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