Christian Garcin pousse sa
littérature vagabonde en direction de l’Asie, chaque fois un peu plus loin. Il
prend la liberté de citer son nom, parmi une longue liste de personnages « un jour retrouvés recroquevillés dans
un terrier, un sous-sol ou au fond d’une grotte, à l’intérieur d’une niche
qu’ils avaient eux-mêmes creusée, comme de petits animaux trouvés mort-nés dans
l’utérus maternel. » Cette image de corps repliés comme des fœtus
court tout au long de La piste mongole
et engendre, en passant par le filtre des rêves, d’étranges filiations, aux
antipodes de la raison. Dès la première page d’ailleurs, on rencontre une
chamane aux pouvoirs mystérieux. C’est le moment de décider d’entreprendre ou
non le voyage…
Voyage initiatique, pour le
moins, dans lequel Rosario Traunberg s’est lancé sans la moindre préparation.
Il ne connaît que son but : retrouver Eugenio Tramonti, probablement perdu
quelque part dans l’immensité de la Mongolie. Les lecteurs fidèles de Christian
Garcin le connaissent : il était le personnage principal du Vol du pigeon voyageur et de La jubilation des hasards, deux livres
qui apparaissent ici sous d’autres titres. Les lecteurs moins fidèles ne
doivent pas s’inquiéter : ils feront sa connaissance en creux, puisqu’il
est absent du roman – sinon pour des retrouvailles, tout à la fin.
Evidemment, l’anecdote est
secondaire. Elle est surtout le point de départ d’une quête qui s’oriente très
vite vers une lecture différente du monde. Dès que Rosario décide de se laisser
aller aux événements sans plus s’étonner, il entre dans une autre dimension. Où
l’on accepte que « la réalité est un
amalgame d’expériences qui interagissent selon des lois souvent imprévisibles.
On ne la décrypte qu’à peine, et toujours selon une grille de lecture
extrêmement réduite. »
Pour
nous faire percevoir la complexité du réel, le romancier multiplie les niveaux
de fiction. Un des personnages écrit quatre récits à la fois, imbriqués les uns
dans les autres et influencés par ce qu’il vit, éveillé ou endormi. La part du
sensible gagne du terrain sur les limites des sensations habituelles,
l’imaginaire se transforme en faits irréfutables. Le lecteur aussi accomplit un
voyage initiatique à travers une Mongolie qui lui parle de choses inconnues et
pourtant familières.
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