César, Néron, Napoléon et
Mussolini ont eu un projet identique : assécher les marais pontins, au sud
de Rome, pour en faire une région cultivable et surtout habitable,
débarrassée en même temps de l’humidité et des moustiques porteurs de la malaria.
Mussolini y est parvenu, raconte Antonio Pennacchi dans Canal Mussolini, un roman bourré
d’ironie, et dont il faut parfois prendre les affirmations au deuxième degré.
Ainsi, le succès de Mussolini devait peut-être plus à la propagande selon
laquelle il avait toujours raison qu’à l’éradication réelle de la maladie.
Malicieux, le narrateur note que la malaria disparaît seulement après la
Seconde Guerre mondiale, grâce aux Américains qui y ont expérimenté le DDT sur
une grande échelle, quand on ne connaissait rien de sa nocivité.
La famille Peruzzi, des
paysans, a eu une chance au début du 20e siècle : connaître
Edmondo Rossoni, longtemps proche de Mussolini avant de participer à sa
destitution en 1943. Grâce à Rossoni, les Peruzzi reçoivent, ainsi que d’autres
cultivateurs, des terres récemment mises en valeur dans les années 30. Ce qui
implique, bien entendu, un parcours assez proche du fascisme italien dans ses
années fastes. Le romancier empêche habilement qu’on s’en indigne, en refusant
une vision anachronique de l’époque à un lecteur qu’il interpelle sans cesse.
Tout en ne s’interdisant pas de comparer, quand cela arrange le récit, avec des
événements plus proches de nous. C’est pourquoi les noms de Silvio Berlusconi
ou d’Eddy Merckx, par exemple, se retrouvent au détour d’une phrase.
Les trajectoires individuelles, influencées par
les événements politiques, se croisent et se recroisent à tel point que cela en
devient hypnotique. Même quand le narrateur n’est pas convaincu lui-même par ce
qu’il raconte, on a envie de le suivre, quelle que soit la liberté qu’il nous
donne : « Tels sont les faits,
je vous l’ai dit, ainsi qu’on me les a racontés. Si vous voulez les croire,
croyez-les, sinon faites ce que bon vous semble ».
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