dimanche 27 octobre 2013

Proustologie

Chère cousine,

Faut-il attendre le 14 novembre pour lire ou relire Du côté de chez Swann, publié à cette date, mais en 1913, dans une édition à compte d'auteur et bourrée de coquilles? Tant de coquilles et d'incorrections que Paul Souday, le feuilletoniste littéraire du Temps, s'en donnera à cœur joie dans l'édition du 10 décembre...
Il n'y a, en réalité, pas de pire moment qu'un anniversaire pour retourner vers les grandes œuvres. Spécialistes et amateurs éclairés se relaient pour fournir, à jet continu, études, analyses, impressions, relectures, que sais-je... Si l'on veut se tenir informé de l'actualité de la librairie, ces livres-là prennent le pas sur les textes et les auteurs dont ils parlent. Et le temps manque - qui ne se retrouvera jamais, celui-là, contrairement au basculement de l'heure d'été à l'heure d'hiver et inversement qui fait perdre et gagner, dans le sens où tu voudras, soixante minutes - pour se couper de la rumeur du monde et retrouver sereinement l'écriture proustienne.
La bibliothèque consacrée à Marcel Proust va donc s'augmenter de quelques volumes - s'en est déjà augmentée depuis la fin du mois d'août, avec le copieux Dictionnaire amoureux de Proust que père et fils Enthoven ont publié à ce moment. Parmi les autres publications, trop nombreuses pour être lues toutes, je retiens le livre de François Bon, Proust est une fiction, dans lequel je me perds avec délices ces jours-ci, trouvant souvent du plaisir aux regards décalés de l'auteur. Et je lirai aussi l'ouvrage de Claude Arnaud qui réussit à célébrer un double anniversaire dans Proust contre Cocteau.
Ce qui fait, à la louche, 1.250 pages - au lieu de 1.250 pages d'À la recherche du temps perdu, pas de quoi épuiser ce majestueux ensemble, mais quand même d'y avancer loin et de ressentir par soi-même, au lieu de le faire par le truchement des commentateurs, ce que représentent les grandes vagues et les petits frémissements de ce texte majuscule, souvent abordé par bribes - et c'est déjà formidable - alors qu'il faudrait s'y plonger totalement, couper Internet et la téléphone, ne plus rien faire d'autre... Mais, bon, tu sais comme moi à quel point ce vœu restera pieux.
Mais toi, toi qui n'es pas, comme moi, liée aux mouvements fébriles de l'édition, pourquoi ne te donnerais-tu pas une semaine ou deux, au moins, de cette liberté-là qui ne ressemble à aucune autre et te laisserait le sentiment d'avoir dirigé ta vie à ta guise pendant cette période?
Te lanceras-tu? Même de loin, je te sens peu convaincue, te disant que le moment viendra, plus tard... Et s'il ne venait jamais? Crois-moi, tu devrais.
Bien sûr, tu n'en feras qu'à ta tête, comme d'habitude. Et tu auras raison.
Je t'embrasse,
ton cousin.


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