vendredi 11 octobre 2013

Douglas Kennedy visite les places financières

Avant de devenir le romancier à succès que l’on sait, Douglas Kennedy avait aiguisé son écriture sur des sujets de journaliste. Trois fois pour un reportage étendu aux dimensions d’un livre. L’Egypte (Au-delà des pyramides) et les fondamentalistes chrétiens du Sud des Etats-Unis (Au pays de Dieu) correspondaient à des lieux clairement circonscrits. C’est plus compliqué pour l’argent et Combien? Même au début des années 1990 – car les trois premiers livres de Douglas Kennedy ont attendu longtemps avant d’être traduits –, les flux financiers traversaient déjà les frontières avec une grande facilité. Tout en suscitant, d’une région du monde à une autre, des perceptions très diverses.
Voici donc l’écrivain en route pour un long voyage aux étapes parfois surprenantes. Les Etats-Unis, bien sûr, mais aussi Casablanca, Sidney, Singapour, Budapest ou Londres. Le but ? Aller là où les choses se passent, et comprendre comment elles se passent. Douglas Kennedy n’est pas un économiste. Il utilise donc les outils dont il dispose : l’observation, bien sûr, et davantage encore la conversation. Comme dans ses deux autres reportages, celui-ci est une galerie de personnages derrière lesquels on pressent le potentiel du romancier à venir – facile à dire après coup, bien entendu…
Suivons-le dans à la Bourse de Casablanca. La salle dégage un parfum des années 1940 et il n’y a personne. Quand il finit par trouver quelqu’un, il apprend que les séances durent une demi-heure. Il revient pour constater que les échanges concernent une trentaine de valeurs toutes contrôlées par l’Etat. « Nous ne sommes pas à Wall Street, mon ami ! », lui a-t-on dit. En effet, il n’y a pas de comparaison entre la corbeille américaine et son équivalent marocain. Finalement, c’est plutôt dans le souk que l’écrivain retrouve quelque chose d’une Bourse à l’occidentale, malgré tout ce appartient à l’exotisme de l’endroit. Vient alors sous sa plume un parallèle dont l’audace doit probablement beaucoup à sa méconnaissance des mécanismes financiers, mais qui n’en est pas moins éclairant : « Finalement, qu’est-ce qu’une place boursière, sinon un souk dont les marchandises sont virtuelles et où des intermédiaires se chargent de marchandage pour les deux parties ? »
Dans ce livre-ci comme dans les deux précédents, Douglas Kennedy séduit parce qu’il raconte des histoires sur un ton familier, malgré la complexité du sujet dont il s’empare. Une vingtaine d’années plus tard, le monde de la finance a probablement changé. On s’en moque : une telle photographie planétaire garde tout son intérêt. Si, aujourd’hui, l’écrivain américain avait poursuivi sur cette voie au lieu de passer à la fiction, il se serait penché sur les questions de mondialisation à travers le coton, l’eau ou le papier. Et il s’appellerait Erik Orsenna.

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