Brian Evenson est un écrivain radical. Assez radical, au
moins, pour avoir quitté l’Eglise mormone à laquelle il appartenait, parce
qu’il lui était interdit de continuer à produire ses textes en toute liberté.
Ayant repris cette liberté, il peut s’en donner à cœur joie – mais avec un
sentiment que l’on devine douloureux devant la nécessité où il se trouve
d’aborder des sujets difficiles.
Celui-ci est particulièrement âpre. Eldon Fochs, doyen de sa
communauté religieuse, consulte un psychothérapeute pour résoudre les problèmes
de sommeil causés par des rêves troublants. Il se trouve en présence d’enfants
auxquels il est tenté de faire du mal. Puis ses récits évoluent jusqu’à la
description du mal qu’il leur fait. Et le docteur Alexander Feschtig, en charge
du patient, commence à penser que celui-ci ne parle pas de rêves mais
d’événements vécus. Les choses se compliquent d’accusations portées par deux
mères contre le doyen : il aurait violé leurs fils.
Père des mensonges
parle donc de pédophilie à l’intérieur d’une institution chrétienne. Mais
surtout de la manière dont Fochs utilise son pouvoir spirituel sur les jeunes.
Et aussi de celle dont la hiérarchie se rassure en excommuniant les deux mères
accusatrices. Puisque, en s’opposant à un membre de l’Eglise, elles s’en
prennent à Dieu lui-même.
Brian Evenson démonte le système de l’intérieur, détaille les mécanismes
qui interdisent de croire à la culpabilité d’un responsable religieux. Le
lecteur est assez intelligent pour en tirer lui-même les conséquences, au-delà
de la fin du récit. Car la vérité ne correspond pas ici, une fois pour toutes,
à ce qui s’est passé. Elle correspond à ce qu’il faut croire, serait-ce en
dépit de la vraisemblance. Et sans, faut-il l’ajouter, aucun souci de justice.
Le pouvoir a gagné.
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