Madame Bâ est une maîtresse femme, Erik Orsenna ne pouvait
pas l’avoir abandonnée dix ans, sans avoir imaginé une suite.
Souvenez-vous : dans Madame Bâ,
elle écrivait à Jacques Chirac pour « résolument
contester vraiment » le refus de sa demande de visa par le consulat de
Bamako. Depuis, Jacques Chirac a répondu. Répondu vraiment, comme aurait dit
l’héroïne : sa lettre est reproduite dans Mali, ô Mali, le livre grâce auquel on la retrouve, toujours tonitruante
et tutoyant cette fois, à la fin du roman, François Hollande, puisque du temps
a passé. Elle le conseille sur le règlement des problèmes de son pays et lui
apprend ce qu’est cette terre sur laquelle l’armée française tente de remettre
un semblant d’ordre sans très bien savoir comment les choses se sont installées
au cours des années et des siècles.
Le pays a besoin de Madame Bâ, installée à Villiers-le-Bel,
95400, dans l’extrême nord du Mali (qui inclut Montreuil, 93100). Pour sa part,
après dix ans de banlieue parisienne, elle ne voit pas très bien ce qu’elle
pourrait apporter en retournant là-bas. Sinon que, quand même, cette Grande
Royale ne doute pas de ses capacités et il suffit de lui dire qu’elle est
indispensable pour qu’elle le croie.
La pétaradante institutrice reprend donc du service, au
service des femmes qui s’éteignent sous les lois de l’Islam et continuent à
faire des enfants comme si elles n’étaient bonnes qu’à ça. Mobilisée, Madame Bâ
décide d’imposer l’instruction et le contrôle des naissances. Et d’y mettre les
moyens nécessaires, grâce aux ramifications des relations familiales jusqu’au
plus haut niveau de l’Etat. Tant pis s’il y a des risques puisque là-bas, du
côté de Tombouctou où on brûle des manuscrits, c’est la guerre. Mais la France
est prête, la France arrive, la France est presque là… Puis elle y sera, et son
président aussi, nous l’avons déjà dit.
Mali, ô Mali
aurait pu être un livre formidable. L’idée de passer le flambeau du récit au
petit-fils de Madame Bâ, Michel, désigné griot pour la circonstance, est
excellente. Lui qui fut dealer de banlieue parisienne après avoir échoué à
devenir une vedette de football, qui est sorti du milieu pour être musicien,
apporte beaucoup par sa jeunesse et son impertinence mesurée. L’énergie de
l’héroïne, son orgueil, ses certitudes, tout cela est intact et fournit l’élan
de la lecture. Mais les faits sont là, envahissants. En écrivant, Erik Orsenna
n’a pas échappé au rouleau compresseur de l’actualité immédiate et s’est senti
contraint de fournir quantité d’informations dont la fiction aurait pu faire
l’économie.
Mali,
ô Mali n’est
donc qu’un bon livre. Ce qui n’est pas rien.
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