mardi 20 janvier 2015

Nelly Alard à l'ombre de Simone de Beauvoir

Il avait beaucoup été question, à Paris, du roman de Nelly Alard, Moment d’un couple (Gallimard), dès le moment de sa sortie à la fin du mois d’août 2013. Les milieux bien informés se chuchotaient, raconte-t-on, les noms des véritables protagonistes de cette aventure amoureuse d’un journaliste qui met son couple en péril à cause d’une liaison avec une femme politique. On veut croire que le jury du Prix Interallié, qui a couronné ce livre, ne l’a pas jugé comme une page de la presse people mais s’est contenté de ses qualités littéraires.
Si les amants y ont leur place, puisqu’ils bousculent un ordre établi, le personnage principal est Juliette, l’épouse d’Olivier, le journaliste, heureuse avec lui depuis dix ans et confiante dans leur relation. Deux enfants, une existence professionnellement valorisante – elle élabore de gros projets informatiques – et des amis sur qui ils peuvent compter font d’eux un couple idéal. Sinon qu’Olivier a cédé à la séduction de Victoire, socialiste et féministe. Il avoue un jour à Juliette que « ça dure depuis trois semaines ». Et tout s’écroule.
Juliette est une femme raisonnable, ou qui tente de l’être. Même quand elle hurle à l’intérieur, elle reste capable la plupart du temps d’envisager les choses avec le minimum de distance nécessaire pour peser les conséquences de ses propres réactions. Elle se trouve pourtant dans une situation pour le moins délicate. D’une part, elle connaît assez son mari pour savoir qu’il est incapable de prendre une décision radicale aussi simple qu’une rupture définitive et qu’il ira plutôt vers celle des deux qui lui montrera le plus d’amour, ou de besoin de lui. D’autre part, Victoire, sur qui d’abord elle ne veut rien savoir, même pas son prénom (elle se contente, un certain temps, de la première lettre, V), semble cultiver l’hystérie à un degré très élevé et les menaces de suicide sont à peu près les annonces les plus anodines de ce qui arrivera si Olivier la quitte…
Nelly Alard pose les faits et fouille le cœur de Juliette avec un scalpel particulièrement aiguisé. L’âme à nu, son héroïne devient presque celle de La femme rompue, de Simone de Beauvoir. Le roman est cité plusieurs fois. Et, chez Simone de Beauvoir, l’homme marié finit par quitter sa femme pour sa maîtresse. Voilà qui n’annonce rien de bon sur le chemin d’une reconstruction amoureuse d’autant moins évidente que Victoire ne lâche jamais rien. Jusqu’au pied de nez final, en forme de pirouette.

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