George Catlin (1796-1872) était célèbre de son vivant,
au-delà des Etats-Unis qu’il a parcourus pendant près de vingt ans pour
collectionner les objets traditionnels des Indiens et surtout peindre ceux-ci
tels qu’ils étaient encore. Pour un temps limité : dans Bison, le roman que lui
consacre Patrick Grainville, celui-ci montre bien comment Catlin travaillait
dans l’urgence, conscient des menaces qui pesaient sur cette civilisation. Il
ne se trompait pas, nous le savons, et probablement les Français qui découvraient
ses collections en 1845 les ont-ils reçues comme venant d’un monde occupé à se
défaire. Baudelaire, Nerval, Gautier, Hugo, Delacroix ou George Sand étaient
fascinés. Et nous aujourd’hui tout autant, par l’intermédiaire de Patrick
Grainville.
Bison n’est pas
une biographie du peintre. Quand il arrive avec Bogard, son guide et
interprète, tous deux juchés sur leurs chevaux surchargés, dans un village
sioux près de la rivière Wapiti, nous sommes en 1832. Son programme est
fixé : « des dizaines de tribus
à rencontrer, à voir… à décrire. » Programme à mener à toute allure,
non seulement en raison de l’urgence déjà évoquée mais aussi des contraintes
techniques : la peinture sèche vite, les ciels sont changeants, de
nombreuses scènes, dont les chasses au bison, doivent être saisies dans leur
mouvement. Le remords est interdit. « Il
peut peindre ainsi cinq, six tableaux par jour. Cet été 1832, il peindra cent
trente-cinq tableaux. A la volée, au fil des heures, des jours, des fleuves,
des rafales de vent clair. »
Chez les Sioux d’Aigle Rouge, Catlin s’installe. Il partage
leur vie assez longtemps pour gagner la confiance, apprendre les coutumes et
même partager la couche de Cuisses, une troublante jeune femme. Les Indiens ne
sont plus un groupe, ils deviennent des individualités, passionnantes pour
certaines. Louve Blanche, la jeune Crow enlevée par le chef qui en a fait sa
quatrième épouse. Ou Oiseau Deux Couleurs, « homme-femme », chamane,
voyant-guérisseur. D’autres encore…
Catlin n’ira pas jusqu’à comprendre le besoin de
guerre qui anime les Sioux et qui semble appartenir à leur vie sociale autant
que bien d’autres traits culturels pour lesquels il éprouve davantage de
considération. Souvent, son goût de collectionneur l’emporte sur le respect :
il amasse les objets remarquables, se disant (pour se donner bonne
conscience ?) qu’il est le seul à être capable de les sauver. Catlin est
fascinant jusque dans ses contradictions.
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