Ne nous fions pas aux apparences : sur la couverture, la
femme vue de dos, occupée à nouer (ou dénouer ?) ses cheveux face à la mer,
laisse volontiers croire qu’Un mariage anglais, de Claire Fuller (traduit de l’anglais par Mathilde Bach), est un
roman de plage comme on en voit tant à cette période de l’année sur les tables
des libraires. Encore un livre interchangeable avec beaucoup d’autres… Un
regard plus attentif révèle cependant le nom d’une collection dont la
réputation, à laquelle elle tente de rester fidèle, s’est bâtie sur une
véritable exigence. « La Cosmopolite », chez Stock, héritière de l’ancien
« Cabinet cosmopolite » lui-même venu de la « Bibliothèque
cosmopolite » d’Albert Savine, a parfois modifié son nom mais le catalogue
parle pour elle. Y aurait-il, cette fois une erreur ? Peut-être sur la
couverture, pas sur le texte.
Car le jeu littéraire auquel se livre Ingrid, la femme déçue
de Gil Coleman qui fut son professeur avant de l’épouser, est une partie d’un
puzzle séduisant. Avant de disparaître en 1992, peut-être noyée, peut-être pas,
elle a écrit à son mari une longue série de lettres éparpillées dans l’immense
bibliothèque d’un homme collectionnant les volumes dont les lecteurs avaient
griffonné dans les marges. Dans ces lettres, Ingrid raconte leur histoire de
son point de vue, de quoi surprendre Gil qui, cela ne nous étonne pas, n’avait
pas vu les choses de la même manière.
Onze ans et dix mois plus tard, Gil n’a pas tout à fait fini
de rassembler la grosse matière épistolaire qui, pour nous, est disséminée au
sein du roman, et replacée dans l’ordre chronologique de leur écriture. Il
vient de trouver, dans une librairie d’occasion, ce qui est sans doute le
dernier signe d’Ingrid quand il croit l’apercevoir dans la rue. En essayant de
la rattraper, il fait une chute qui ne révèle pas seulement combien la vision l’a
ébranlé mais aussi qu’il est miné par une maladie fatale. Le choc sans gravité
excessive pour lequel il est brièvement hospitalisé est l’occasion de découvrir
qu’il lui reste peu de temps à vivre.
Roman testamentaire raconté du point de vue de ceux qui entourent
Gil, Un mariage anglais, outre qu’il
fait intervenir Gil et Ingrid, fournit aussi les regards de leurs deux enfants
et de l’ami de leur fille. De ce puzzle, les pièces se mettent en place d’elles-mêmes,
au fur et à mesure que grandit la fascination pour une construction romanesque
intelligente et fine.
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