Face aux personnages flamboyants d'Un singe en hiver - qu'on connaît grâce au film de Verneuil, même si on n'a pas lu le livre -, le héros de L’humeur vagabonde paraît bien pâle. Benoît Laborie est un sous-Rastignac, monté à Paris, non pour le conquérir, mais sous la pression de sa mère. Parce qu’il a le bac, elle rêve pour lui d’une haute destinée. Quand il serait, pour sa part, volontiers resté le mari discret d’une femme de tête grâce à laquelle l’exploitation agricole est florissante. Comme il n’y sert à rien, il part. Denise ne semble pas s’en émouvoir.
A Paris, il se sent balourd. Pire: il est balourd. Malgré les lettres de recommandation de sa mère, il n’est bien reçu nulle part. Il s’égare au Père-Lachaise où il est entré avec un pot de fleur et se fait arrêter à la sortie, soupçonné de l’avoir volé. Il loge dans un hôtel de passe qu’il a pris pour une pension de famille…
Il connaîtra son heure de gloire, après l’assassinat de Denise par sa mère, puis retournera à l’anonymat en devenant figurant. Ce qu’il a, au fond, toujours été.
Sur l’écriture de ce roman à la construction équilibrée, Antoine Blondin s’était confié dans une émission de radio dont la transcription (parue l'an dernier dans un volume illustré où se trouvait aussi Un singe en hiver) est édifiante. Au cours d’une soirée bien arrosée où son éditeur le presse de lui donner un nouveau manuscrit, l’écrivain lui annonce qu’il est écrit. De L’humeur vagabonde, il n’a en réalité même pas le titre… Confiant, l’éditeur l’emmène à Mayenne et le loge dans un hôtel à côté de l’imprimerie où Blondin pourra donner le texte à composer au fur et à mesure qu’il en aura terminé les corrections. Mais il n’a rien à corriger, puisqu’il n’a rien écrit ! Bien obligé, il se lance dans un premier paragraphe, cent pages suivent, qu’il porte à l’imprimeur un vendredi soir, comptant sur le week-end pour fournir cent pages de plus. Le lundi, il n’en a que quatre. Il les porte quand même et se met à dicter la suite au typographe. «Trente et un jours après mon arrivée à Mayenne, je rentre à Paris avec mon livre imprimé et broché sous le bras». Magnanime, l’éditeur fait mine de n’avoir pas compris...
Une belle histoire pour un livre à (re)découvrir.
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