Vincianne d'Anna m'a interrogé, il y a quelques jours, à propos des livres que je recevais en service de presse numérique. Elle a intérrogé d'autres personnes: côté journalistes, Michel Dufranne, qui avait parlé du sujet dans une émission, Lucie Cauwe, Gabriel Lucas; côté éditeurs, diverses maisons de Belgique francophone. A l'arrivée, un article paru sur le site Lettres numériques, Les services de presse en format digital, pour ou contre?, repris par ActuaLitté sous un titre différent: Proposer ses ouvrages aux journalistes: le service de presse numérique.Comme on ne se refait pas, j'avais répondu aux questions posées sous la forme d'un texte trop long pour être utilisé dans son intégralité. Mais il me permettait de faire le point avec moi-même sur ce sujet. Voici donc ce que j'avais à dire à ce propos.
Je me définis d’abord comme un lecteur, s’il est pertinent
de se définir par l’activité qui vous passionne le plus et vous occupe une
majorité du temps. Ma boulimie est sans limites et, partant, je ne me suis
jamais senti freiné par aucun support. Les textes sont là où je les trouve, et
cela peut être, ou avoir été, dans des éditions correctes comme dans les plus
moches, sur du papier bouffant agréable au toucher et au regard comme sur le
papier rongé d’acide, friable et bruni de vieux livres de poche. L’écran, les
écrans ne sont jamais, dans l’absolu, qu’un support de plus, sur lequel un
nombre croissant d’ouvrages sont disponibles.
Au point de départ, je me contentais d’un PC de bureau et
d’un ordinateur portable, et les fichiers étaient généralement au format PDF.
Par rapport au papier, cette configuration présentait déjà plusieurs avantages.
D’abord, le délai très bref entre l’apparition d’un besoin
de lecture et l’affichage du texte sur l’écran. Qu’il s’agisse d’une nouveauté
qu’il apparaît nécessaire de traiter rapidement dans un article ou d’un ouvrage
libre de droits, le chemin semble raccourci entre l’émetteur et le récepteur.
Si l’attaché(e) de presse est dans son bureau et qu’il/elle répond rapidement à
une demande de service de presse, le fichier du livre arrive quelques minutes
plus tard en réponse au courriel que j’ai envoyé. S’il s’agit d’un ouvrage du
domaine public, il a toutes les chances d’être disponible dans l’une ou l’autre
bibliothèque en ligne et il ne faut que le temps d’une recherche et celui du
chargement.
Ensuite, la simplicité de la recherche dans le texte pour
autant qu’il ne s’agisse pas d’un fichier en image pure (et encore, les outils
d’OCR existent pour améliorer l’accès). On a beau prendre des notes au cours de
la lecture d’un ouvrage papier, il arrive toujours qu’on n’ait pas écrit
quelque part le numéro de page où l’auteur parlait de Kafka et, zut !,
c’est précisément une citation qui aurait été la bienvenue à ce point de la
rédaction de l’article ! Je n’ai pas besoin d’expliquer à quel point il
est plus aisé de rechercher le mot « Kafka » dans un fichier que de
le retrouver en feuilletant un livre qui peut être assez épais…
Enfin, et en passant à ce troisième point je fais un saut
dans le temps, l’arrivée puis la généralisation du format ePub a rendu la
lecture physiquement plus agréable en permettant aussi la diversification des
supports et la simplification des déplacements. Mon premier achat de liseuse,
il y a deux ans et demi, a considérablement accru mon confort de lecture, chez
moi ou à l’extérieur. Actuellement, je lis essentiellement sur tablette à la
maison (mais parfois encore sur ordinateur) et sur smartphone quand je suis
ailleurs, passant parfois, en fonction des circonstances, de l’un à l’autre en
cours de lecture d’un même livre.
Les éditeurs ont, dans leur grande majorité, compris leur
intérêt à envoyer des fichiers plutôt que des livres papier. De leur point de
vue (si j’essaie de me mettre à leur place), non seulement l’ouvrage est plus
vite et plus sûrement rendu à destination (des livres sont égarés par les
services postaux) mais aussi le coût de l’opération est quasiment nul, ce qui
n’est pas le cas avec un livre papier qui a un prix de revient auquel il faut
ajouter les frais d’expédition et le temps passé à le mettre dans une
enveloppe, à rédiger l’adresse, etc.
Néanmoins, je note quelques réticences, essentiellement
provoquées par la peur du piratage.
Dans les cas les moins aigus, je reçois des fichiers
protégés de différentes manières, ce qui n’est pas très grave pour le format
ePub pourvu qu’il soit possible de le copier sur les différents supports que
j’utilise mais peut être plus gênant avec le format PDF quand il interdit le
recadrage ou l’introduction de métadonnées, alors que j’ai besoin de réduire
des marges parfois considérables et d’utiliser une signalétique interne pouvant
être reconnue par mes appareils. Heureusement, il existe des outils pour ôter
ces protections…
Dans les cas les plus aigus, mais ils sont peu nombreux,
certains services de presse n’ont pas l’autorisation, dans leur maison,
d’envoyer des fichiers. J’explique patiemment que les fichiers ne sortiront pas
de chez moi et, petit à petit, l’idée fait son chemin même chez les plus
réfractaires.
Si je considère la situation actuelle par rapport à ce
qu’elle était il y a cinq ans, je dirais que je lisais à l’époque moins d’un
livre sur dix à partir d’un fichier numérique. Tandis qu’à présent, j’en lis
beaucoup moins d’un sur dix sur papier. Et, à l’intérieur des services presse
numériques, la proportion du format ePub croît, doucement mais sûrement.
La tendance me semble irréversible, en particulier dans mon
cas puisque, de Paris, source principale des envois, à Madagascar, lieu de leur
arrivée, les communications physiques sont longues et parfois difficiles.
Faut-il ajouter que je m’en réjouis ?
Une bonne approche de la question, sous tous ses angles, aspects positifs, aspects qui le sont moins.
RépondreSupprimerEn France, il me semble, selon mon expérience (environ 20 livres par semaine, ce qui rend le problème stockage crucial) que les pertes imputables à la Poste sont bien plus faibles.
Pour ma part, ne pouvant évidemment garder qu'une part infime des livres reçus et me refusant absolument à en faire commerce, j'ai passé un accord avec une bibliothèque municipale à Paris, la Bibliothèque Marguerite Audoux, qui a pu ainsi créer un beau fonds "Poezibao" et rendre ainsi la poésie plus accessible aux lecteurs parisiens.