Tricher, mentir, passer
aux yeux des autres pour ce qu’on n’est pas. Voilà le programme des personnages
de Nos gloires secrètes, six
nouvelles que Tonino Benacquista n’a pas rassemblées par hasard. La cohérence
est parfaite et l’effet en est amplifié par les talents de narrateur que l’on
connaît au romancier de Saga, Malavita ou Homo erectus, pour ne citer que quelques titres dans une imposante
bibliographie.
On entre avec
« Meurtre dans la rue des Cascades », la première nouvelle, au cœur
du propos. Ou plutôt là où les choses semblent se passer, c’est-à-dire à la
surface : « Je suis l’homme de
la rue. Pour le prince, je suis la plèbe. Pour la vedette, je suis le public.
Pour l’intellectuel, je suis le vulgum.
Pour l’élu, je suis le mortel. » Un homme comme tout le monde, en
somme, couleur grisaille, un médiocre qui passe inaperçu. Mais, en réalité, le
personnage d’un roman de Simenon, dont l’insignifiance cache quelque chose.
Maigret l’aurait compris.
Benacquista laisse à son narrateur le soin de raconter comment, cinquante ans
plus tôt, il est devenu un héros négatif en tuant, une nuit d’ivresse, son
compagnon de beuverie. Pendant tout ce temps, il s’est tu parce qu’il ne
voulait pas décevoir sa femme pour qui il était le meilleur des maris. Elle
vient de mourir, il peut, malgré la prescription, s’alléger de sa culpabilité.
Celle-ci a été une compagne fidèle à laquelle se joignait une certaine fierté.
Car l’affaire de la rue
des Cascades a fait grand bruit dans la presse en juillet 1961 : tombé
d’un toit, le corps de la victime a traversé la verrière sous laquelle une
starlette se livrait à des ébats probablement illicites avec un inconnu (on le
suppose marié). Les années passant, l’assassin (il avait écrasé les doigts de son
compagnon qui se retenait à une corniche) a constaté que l’intérêt pour cette
énigme non résolue ne retombait pas : une émission de télévision, un
livre, un film… Paré de l’aura propre aux coupables impunis, le narrateur a cru
plusieurs fois qu’on allait lui voler la vedette, quand un inconnu se
dénonçait, mais chaque fois disculpé.
Visage d’ange, cœur de démon, tel est le profil
décliné dans les cinq autres nouvelles – où il n’y a pas d’assassin, cependant.
On rit à la confrontation du riche compositeur de chansons à succès qui vient
ouvrir un compte dans une petite agence bancaire et raconte sa vie au directeur
alors que celui-ci attend le résultat de sa fille au bac. Jusqu’à la chute, en
tout cas. « Le parfum des femmes » offre à un « nez »
créateur de fragrances célèbres l’occasion de respirer une odeur
exceptionnelle. Et on voudrait les raconter toutes, en particulier la dernière,
mais nous vous en laissons tout le plaisir de la découverte.
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