Après L’hallali,
Au cœur frais de la forêt et Ceux de la glèbe, Happe-Chair
est le quatrième titre de Camille Lemonnier (1844-1913) publié par la Bibliothèque malgache
dans sa collection « Bibliothèque belgicaine ». Il y côtoie André Baillon, Edmond Picard et Georges
Eeckoud.
Dédié à Émile Zola, le roman paru en 1886 avait atteint en
quelques jours sa huitième édition, écrit Le
Temps le 21 mars : « Le
mérite incontesté de cette œuvre de grande valeur justifie son succès. »
Suite logique de ce qu’annonçait Le
Figaro le 23 février, jour de sa sortie : « Ce roman tragique, d’une actualité cruelle, sera un événement
littéraire. »
Pour mettre le lecteur en appétit, la Revue moderniste en avait publié quelques pages l’année précédente.
C’était l’époque où les revues animaient si bien la vie littéraire que les
quotidiens en rendaient compte : Le
Figaro, le 18 juillet 1885, avait consacré un long article à cet
extrait, avec une référence à Germinal
qui sera souvent, prévoyait le journal, comparé à Happe-Chair. Il ne se trompait pas : dans l’extrait de son Camille Lemonnier (1904) que nous
plaçons en présentation de notre édition, Léon Bazalgette y revient.
Voici ce texte.
Maintes fois cette large étude de la vie des laminoirs fut
opposée à Germinal, non sans l’intention secrète et maligne
d’écraser sous le grand nom de Zola celui de Lemonnier. On n’oublie qu’une
chose en ce cas, c’est que Happe-Chair est historiquement
antérieur à Germinal. La rencontre de deux romanciers en un thème
presque identique fut fortuite. « Quand on a fait Happe-Chair –
fut-il écrit – on peut être tranquille dans le naturalisme. » Si on
franchit le cercle étroit des écoles et des programmes pour restituer au mot
naturalisme sa large signification, si on en use pour qualifier cet immense
mouvement vers la vérité et l’humanité qui caractérise l’ère moderne, certes, Happe-Chair est
l’un des monuments du naturalisme. D’humanité surtout l’œuvre déborde. La
splendeur lyrique des tableaux de l’usine en travail ne parvient pas à étouffer
la puissante émotion humaine dont ces pages de douleur sont lourdes. La vie
d’un laminoir n’est que le cadre d’une action où évolue, de la tendresse jeune
aux plus sombres péripéties du malheur et du vice, un couple ouvrier. À travers
ce ménage que désagrège l’indignité de la femelle, une humanité de durs-peinants
saigne et dénombre ses plaies. Une immense pitié fait tressaillir cette
farouche épopée du travail. Lemonnier se manifeste ici avec toutes ses
puissances d’artisan aux larges épaules, sanguin et riche. Il est certains
épisodes de Happe-Chair qui, vis-à-vis de l’œuvre entier, se
maintiennent parmi les beautés définitives, tels que le châtiment du premier
adultère de Clarinette, l’explosion de l’usine, ou le pourchas nocturne à
travers les rues de l’épouse crapuleuse. Et le livre demeure en son ensemble,
l’une des pages fortement représentatives de l’écrivain.
2,99 euros ou 9.000
ariary
ISBN 978-2-37363-073-2
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