Maître Kurogiku fabrique son papier, du washi, le plie en origami, le déplie, le contemple, se tait.
Pourquoi fait-il cela en Italie ? Par le pouvoir d’un mot, un seul,
prononcé par une Italienne : « Ciao ».
Il n’en faut pas plus pour décider un jeune homme au départ, sans espoir de
retrouver celle qui « apporte un
prétexte à défaut d’une raison. »
Casparo passe par là, il cherche à se loger et les habitants
l’envoient chez celui qu’on appelle Monsieur Origami. Le jeune homme voudrait
concevoir une montre à complications qui donnerait toutes les mesures du temps.
Mais le temps, enroulé sur un cadran, peut-il se déplier, et y verrait-on des
plis semblables à ceux du papier de l’origami ?
La beauté coupe le souffle, Monsieur Origami mérite d’être lu et surtout relu.
Vous publiez un
premier roman complètement atypique. Non seulement il ne donne aucune
impression d’inspiration autobiographique (se trompe-t-on ?) mais aussi il
puise dans une culture assez éloignée de nous. Pourquoi ?
Ce n’est pas un roman
autobiographique mais c’est une histoire qui me ressemble car elle traite de
sujets qui me sont chers. En surface, le roman est la rencontre de deux de mes
passions : les origamis et les montres. Depuis tout petit, je suis attiré
par le Japon, et tout ce qui touche à la sagesse et au silence. J’ai la double
nationalité belge et italienne et il me plaisait que l’histoire se passe en
Toscane. J’aime aussi l’idée de réconciliation avec la vie. Ce roman est un peu
la combinaison de tout cela.
Est-ce un roman écrit
rapidement ou, au contraire, avec une certaine lenteur ?
J’ai deux réponses,
qui sont indissociables. J’y ai pensé il y a deux ans, avec le concept de base,
la rencontre de ces deux passions, en cherchant comment rentrer dedans. Et
puis, c’est arrivé comme ça et je l’ai écrit très vite, je n’ai quasiment plus
fait que cela pendant une dizaine de jours. Le moindre temps libre y passait.
Tout est sorti d’un coup, le ton, l’histoire, les personnages, les événements…
L’écriture est très
dépouillée. Ce choix est-il lié au thème du roman ou bien s’agit-il de votre
manière naturelle ?
C’est plutôt lié au
thème du roman, au ton que je voulais donner à l’histoire. Une fois que j’ai
trouvé le ton, j’ai écrit avec une paire de ciseaux. Pour aller à l’essentiel.
J’ai coupé les mots qui faisaient trop de bruit. Les chapitres sont un peu
construits comme des haïkus, avec de la respiration, de l’espace et du silence.
L’utilisation des
ciseaux, comme vous dites, vous a-t-elle conduit à couper beaucoup dans une
version plus longue ?
En fait, j’ai coupé
aux ciseaux, mais dans ma tête. Je voulais entendre le ton au fur et à mesure
que j’écrivais. Et quand les mots venaient trop souvent, je contenais tout
cela, j’attendais que ce bruit parte.
Le silence est
important ?
Oui, c’est ce qui a
dicté l’écriture. C’est, je pense, ce que l’on appréciera le plus et que l’on
critiquera le plus.
Plier et déplier sont
des gestes complémentaires. Mais aussi un peu plus que des gestes quand le
papier et le temps se superposent, non ?
Oui. C’est une
discipline qui demande de la précision, de la concentration et de la patience. Mais
c’est aussi l’occasion de plonger dans l’instant présent. Je prends cette
activité comme une méditation dans la pleine conscience du présent.
Avez-vous publié
d’autres textes ? Vous semblez débarquer de nulle part…
C’est le premier
manuscrit que j’envoie et le premier texte que je publie. J’avais l’idée
générale depuis quelques années. J’ai trouvé le ton à donner à Monsieur
Origami alors que j’étais concentré sur
une autre histoire. Alors j’ai interrompu cette histoire et j’ai écrit Monsieur
Origami, avec l’intention de l’envoyer à
des maisons d’édition. Je l’ai envoyé à Gallimard, et quelques autres maisons
d’édition, par la poste.
Comment se passe une
première rentrée littéraire quand on n’appartient pas au
« milieu » ?
Je ne suis pas du
milieu, en effet. Je ne connaissais personne. J’ai envoyé mon manuscrit par la
poste. Je vais de surprise en surprise. Tout d’abord être édité chez Gallimard
est pour moi la réalisation d’un rêve. Une autre surprise fut de savoir qu’il
ferait partie de la rentrée littéraire. Puis de voir certaines réactions déjà.
Puis une invitation à un salon littéraire, puis d’autres. Puis un
entretien avec vous. Alors comment cela se passe ? comme un rêve qui
se réalise, oui mais plus encore. Mon rêve était d’être publié et je l’ai été.
Tout ce qui se passe depuis sont des cadeaux qui s’ajoutent à mon rêve.
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