lundi 12 mai 2014

La vie d’une écrivaine, ou presque

Maria Cristina Väätonen a publié La vilaine sœur, son premier livre, avant d’avoir dix-huit ans. Tout le monde a cru que l’histoire était autobiographique, que sa mère et sa sœur étaient mortes dans un accident de voiture après lequel elle avait quitté Lapérouse, au Canada. Il n’en est rien : sa mère et sa sœur sont vivantes puisque la première l’appelle au début de La grâce des brigands, le nouveau roman de Véronique Ovaldé, pour lui parler de sa sœur Meena. Ou plus exactement de Peeleete, le fils de Meena, dont Maria Cristina ignorait l’existence.
La jeune fille avait fui Lapérouse et sa famille, sous prétexte d’étudier la littérature aux Etats-Unis. Elle aurait pu choisir n’importe quel prétexte : elle étouffait depuis toujours à cause des obsessions d’une mère tragique et depuis qu’un jeu entre sœurs avait mal tourné, arrêtant le développement de Meena à quatorze ans – Maria Cristina en avait presque treize.
A Los Angeles, Maria Cristina travaille au snack de l’université, tentant d’écrire un roman qui n’avance pas, quand sa colocataire lui propose un job qu’elle-même ne peut prendre parce qu’elle est enceinte : devenir la secrétaire personnelle d’un écrivain. « Mais je ne veux pas être la secrétaire personnelle d’un écrivain, je veux être écrivain », réplique Maria Cristina avant d’apprendre le nom de l’écrivain en question et de se présenter chez lui.
Rafael Claramunt est le genre d’homme qui peut dire : « Je suis le dernier spécimen d’écrivain dont la vie privée intéresse tout le monde et qui vit comme une star du rock’n’roll. » Il y a bien sûr un peu de vanité dans cette affirmation qui, par ailleurs, est plutôt vraie. L’homme est en tout cas assez fascinant pour que Maria Cristina en tombe amoureuse et lui confie son manuscrit quand elle l’a terminé – la manière dont il sera publié et ce qui suivra est un roman dans le roman.
Claramunt a un chauffeur, ou un genre de chauffeur, qui est aussi son homme à tout faire et qui rendra, entre deux verres, des services variés à Maria Cristina. Il s’appelle Oz Mithzaverzbki mais, comme personne n’arrive à prononcer son nom, il se fait appeler Judy Garland. Après tout, nous sommes à Santa Monica, autant dire à Hollywood.
La vie de Maria Cristina se met en place sans que Véronique Ovaldé semble le vouloir. Les informations se glissent dans le texte comme par inadvertance. Et cela fait un beau roman qui mène à une fin impressionnante.

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