Le manifeste
Nous avons vu la dernière fois qu’il était très bien porté
de lancer une école littéraire. Certains prétendent qu’il est souverain dans ce
cas de pondre un manifeste, de le faire imprimer et de l’envoyer à Pierre, Paul
et Jacques.
C’est très joli tout ça, mais chacun n’est pas capable d’écrire un
manifeste. Il y a des aspirants écrivains qui savent à peine tenir une plume,
et ils ne se soucient pas de se couvrir de ridicule en montrant au premier venu
qu’ils ne sont pas fichus d’écrire dix lignes sans y fourrer quinze fautes de
syntaxe et trente-huit d’orthographe.
Ces aspirants ont tort. Plus un manifeste
est saboté, plus il a de valeur. Les aspirants qui ne se sentent pas assez
forts pour échafauder un manifeste d’apparence logique n’ont qu’à prendre un
ouvrage quelconque. On décide que l’on choisira le dernier membre de chaque
phrase dans des pages déterminées, au petit bonheur, et qu’on les mettra bout à
bout.
Ainsi, Monsieur de Phocas, de
Jean Lorrain, étant choisi, on fixe à l’avance les pages 181, 229, 240, 401, 405,
etc. Cela donne le résultat suivant :
Manifeste de l’art baroquiste
Ce sont tous les degrés du mépris avec, et j’écoutais cet homme comme on boit un filtre, c’est un si puissant piment de volupté, un tel agent nerveux que la terreur c’était une étrange solitude. Elle m’est apparue, etc., etc.
Marinetti ne fait pas mieux, et au moins, vous
n’aurez pas à payer de plumitif pour vous venir en aide.
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