mercredi 28 mai 2014

Ryan Gosling en mieux, Scarlett Johansson en faux

Une phrase courte, isolée dans un paragraphe, ouvre chaque roman de Grégoire Delacourt. L’écrivain de la famille lui avait donné une petite réputation : « A sept ans, j’écrivis des rimes. ». La liste de mes envies lui avait valu un énorme succès : « On se ment toujours. » La première chose qu’on regarde s’annonçait comme un best-seller avant même un procès dont on reparlera le 2 juillet : « Arthur Dreyfuss aimait les gros seins. »
Si l’incipit ne suffit pas pour faire un livre, il peut aider à y pénétrer, l’air de rien, comme par inadvertance. Au risque cependant de se faire une idée trop rapide de cet Arthur Dreyfuss, vingt ans, garagiste à Long, dans la Somme, l’air de Ryan Gosling. « En mieux », ajoute volontiers Eloïse, la nouvelle serveuse chez Dédé-la-Frite. Quand Arthur l’a vue, il n’a pas regardé ses seins. L’obsession n’était pas irréversible.
La grande affaire de sa vie ne sera pourtant pas Eloïse, la faute au routier trapu qu’elle a déjà choisi comme amoureux. Elle s’appellera Scarlett Johansson, le jour où elle débarque chez lui sans prévenir, désireuse, dit-elle, d’échapper quelque temps à sa vie frénétique de star. Arthur n’en revient pas de la chance qui lui est offerte : il s’agit quand même de la femme qui a été élue plus belle poitrine d’Hollywood devant Salma Hayek et Halle Barry : l’obsession n’était pas morte…
L’histoire est bien sûr trop belle pour être vraie. Scarlett s’appelle Jeanine et ne doit qu’aux caprices de la génétique sa ressemblance avec l’actrice. Après avoir utilisé son sosie pour entrer dans la vie d’Arthur, Jeanine comprend les limites d’un amour dirigé vers une autre et souhaite redevenir elle-même. Arthur n’a rien contre mais, les habitudes étant ce qu’elles sont, tous les éléments sont en place pour engendrer un drame annoncé plusieurs fois.
Grégoire Delacourt sert le champagne, fait observer la légèreté des bulles grâce auxquelles on flotte agréablement dans son roman. Mais la boisson est pleine de traîtrises et l’amertume est au bout de la dernière gorgée.

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