Quand je pense qu'il y a des chroniqueurs pour dire du mal des prix littéraires à l'ancienne. Ceux qui rassemblent des lecteurs, professionnels ou non, autour de tas de livres, qu'ils lisent ou non, et élisent en vertu de critères propres à chaque jury. Avec d'éventuelles dérives qu'il est bon de dénoncer de temps à autre, certes, ne serait-ce que parce que cela fait du bien au chroniqueur en question - les occasions de se défouler ne sont pas si fréquentes dans un monde où France Culture invite dans la même émission, sous prétexte de scruter les mécanismes du best-seller, Stéphane De Groodt, Katherine Pancol et Marc Levy, émission au cours de laquelle l'animateur (Augustin Trapenard, pour ne pas le nommer) discourt sentencieusement sur l'importance des dialogues dans Muchachas, par exemple. Puisque tout se vaut...
Mais non, qu'allez-vous imaginer là? Tout ne se vaut pas, la preuve par le Prix du roman de l'été de la Messardière, qui existe depuis 2011 mais dont j'entends parler pour la première fois (on n'est jamais assez attentif aux révolutions qui secouent les habitudes).
Rien de surprenant, à première vue, dans le fonctionnement de cette récompense qui sera attribuée le 24 mai, c'est-à-dire presque tout de suite (j'ai la flemme de regarder un calendrier, si vous voulez savoir quel jour c'est, vérifiez vous-même, vous constaterez que c'est samedi, jour de divertissement pour les petits et les grands). Trois auteurs, qui sont d'ailleurs des auteures, n'en déplaise à Gabriel Matzneff, sont sélectionnées pour le vote final: Françoise Cloarec, Frédérique Deghelt et Colombe Schneck. Elles ont publié des romans qui s'intitulent De père légalement inconnu (Phébus), Les brumes de l'apparence (Actes Sud) et Mai 67 (Robert Laffont). L'une d'elles sera donc la lauréate 2014 de ce prix tropézien. Et, si la géographie avait un sens, Colombe Schneck devrait l'emporter haut la main.
Sinon que, et c'est là où les choses se corsent, les trois finalistes vont passer un "grand oral" pour défendre leur livre (en dire tout le bien qu'elles en pensent?) et répondre aux questions des jurés ainsi que du public. Un oral pour défendre l'écrit? Il y avait déjà les émissions de télévision pour mettre en évidence l'inégalité des chances entre les écrivains qui passent bien à l'écran et les autres, voilà qu'un prix littéraire s'y met aussi.
Il faut marcher avec son époque et ne pas laisser passer une occasion de suggérer aux jurys de prix littéraires d'autres innovations qui dépoussiéreraient leurs institutions passées de mode. Voici donc quelques épreuves qui seraient bienvenues pour départager des livres en compétition, et dont les auteurs seraient mis à contribution pour être jugés sur:
- Leur plus belles lunettes, Alain Afflelou et Optic 2000 se disputeraient le parrainage
- Leur beauté extérieure, puisqu'on n'a pas besoin de juger la beauté intérieure, elle scintille dans leurs pages
- Leur connaissance de la chronologie historique du Botswana
- Leur vitesse au 200 mètres nage papillon
- Leur efficacité à corriger les coquilles relevées dans le livre d'un confrère ou d'une consœur
- Leur babil dans une séance de speed dating
- Leur manière de chanter Still Loving You
- Leur capacité à calculer des racines carrées de plus en plus élevées
- Leur élégance avant, pendant et après un saut à l'élastique (vomir n'est pas un argument)
Je ne sais pas si la littérature s'en portera mieux. Mais vous verrez comment elle fera grimper les audiences, même sur une chaîne de la TNT. (Et non, je n'ai pas dit qu'il était obligatoire de placer Cyril Hanouna à l'animation, Augustin Trapenard devrait faire l'affaire.)
Voilà un beau billet d'humeur :-)
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