Les personnages de Serge Joncour se regardent vivre à
distance. Et ne se comprennent pas toujours. Celui de Que la paix soit avec vous a du temps pour le faire : il est désœuvré.
Il se consacre donc à
guetter les mouvements de l’immeuble où il habite, en particulier dans
l’appartement voisin. Il n’y a personne depuis longtemps, mais le locataire,
déporté pendant la guerre, est censé pouvoir revenir à n’importe quel moment.
Les traces de la violence passée sont encore inscrites dans les esprits, et
jusque dans le lieu : « Habiter un appartement à la suite de
quelqu’un ce n’est pas anodin, c’est pactiser dans une histoire commune,
pactiser par l’endroit, c’est à un certain moment avoir fait le même
choix. »
Le choix d’affronter la guerre, par exemple. Au moment où se
passe le roman, c’est la guerre d’Irak qui se prépare. En même temps que,
localement, la guerre des promoteurs désireux de réhabiliter un immeuble
vieillot aux loyers trop faibles. (Malgré cela, le narrateur ne l’a pas payé
depuis six mois.)
Est-ce une véritable résistance qui s’organise ? Le
« héros » se rend à une manifestation contre la guerre en Irak, mais
sans motivation personnelle : il représente une voisine qui ne peut pas se
déplacer. Les quelques locataires d’un bâtiment qui se révèle très peu peuplé
s’accordent sur une attitude passive susceptible, espèrent-ils bien à tort, de
décourager les promoteurs.
Tout s’imbrique, entre passé et présent, sur plusieurs fronts d’un
combat qui n’en est pas un. Et qui, de toute manière, est perdu d’avance. Un
lourd sentiment de désenchantement plane dans un roman qui préserve néanmoins
sa légèreté grâce à une ironie très fine présente à chaque coin de phrase.
Frappé du talent dont Serge Joncour est pétri.
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