Il y aura les habitués et
les autres. En tête de la première catégorie, on retrouve Amélie Nothomb,
exactement vingt ans après son premier roman, Hygiène de l’assassin, aussi fidèle à son éditeur et à ses fans de
la rentrée. Elle a donné à celui-là, elle donnera dans quelques jours à ceux-ci
son 21e roman, Barbe bleue
(Albin Michel), sur un thème connu et générateur de frissons : les femmes
et celui qui leur interdit, sous peine de mort, d’entrer dans la pièce
interdite…
Le succès est annoncé
aussi pour le récit que Laurent Binet fera de la campagne électorale de
François Hollande (Rien ne se passe comme
prévu, Grasset) et où, assure-t-il, il ne sera pas question de tweet.
Philippe Djian publie
souvent en d’autres saisons. La parution de « Oh… »
(Gallimard) à la fin du mois ne devrait cependant rien changer pour lui, à
moins que son éditeur glisse son nom à l’oreille de quelques jurés qui ne l’ont
peut-être jamais lu et qu’il apparaisse ainsi dans les sélections des prix
d’automne ?
Il y aura fort à faire, car
les candidats sont nombreux. Laurent Gaudé, du moins, échappera à ce stress
avec Pour seul cortège (Actes Sud)
puisque son Goncourt de 2004 (Le soleil
des Scorta) le place hors catégorie. Ce ne sera pas le cas d’Olivier Adam,
qui change d’éditeur sans perdre le goût des personnages tourmentés. Dans Les lisières (Flammarion), Paul Steiner,
scénariste et écrivain – comme l’auteur –, est en pleine remise en question.
Son couple a explosé, ses parents vieillissent, et qu’a-t-il fait de sa propre
vie ? Pas folichon, mais cela ne devrait pas décourager ses lecteurs. Ni
peut-être les académiciens Goncourt, qui le connaissent bien pour lui avoir
déjà attribué leur bourse de la nouvelle (Passer
l’hiver).
Puisqu’il arrive souvent
que le succès ne soit pas un handicap en vue des prix littéraires, d’autres
noms se retrouveront en vue à la fois dans les listes de meilleures ventes et
dans les sélections publiées par les différents jurys. Ce sera peut-être le cas
de Florian Zeller (La jouissance,
Gallimard) et de Nicolas Rey (L’amour est
déclaré, Au diable vauvert), des jeunes gens encore (33 et 39 ans) dont la
moindre qualité n’est pas d’attirer les feux des projecteurs.
Le beau succès mérité du
premier roman de Jean-Michel Guenassia (Le
club des incorrigibles optimistes, Goncourt des Lycéens 2009) ne devrait
pas nuire à l’intérêt qui se portera sur le deuxième (La vie rêvée d’Ernesto G., Albin Michel), d’une ampleur et d’une
ambition comparables. Il est de ces écrivains qui s’installent dans ce qu’on
appellera, pour faire court, une « carrière ». Elle passe par une
reconnaissance de la critique, des jurés, du public (dans le désordre). Mathias
Enard (Rue des Voleurs, Actes Sud) est
sur un chemin du même genre, comme Agnès Desarthe (Une partie de chasse, L’Olivier), Linda Lê (Lame de fond, Bourgois), Véronique Olmi
(Nous étions faits pour être heureux,
Albin Michel), Serge Joncour (L’amour
sans le faire, Flammarion), Lionel Duroy (L’hiver des hommes, Julliard), Christophe Donner (A quoi jouent les hommes, Grasset),
Nicolas d’Estienne d’Orves (Les fidélités
sucessives, Albin Michel). Sans oublier Eric Chevillard, devenu le
feuilletoniste apprécié du Monde des
livres, avec L’auteur et moi
(Minuit). Entre autres, puisqu’il n’est pas possible de citer tout le monde…
Il est pourtant des
écrivains qui ne sont pas encore vraiment installés dans le paysage et qui vont
faire parler d’eux, pour de bonnes ou de mauvaises raisons – il faudra vérifier
en lisant leurs livres, bien entendu.
Sylvie Taussig (Dans les plis sinueux des vieilles capitales,
Galaade), parce que son roman est, avec presque 1800 pages, de loin le plus
épais de cette rentrée. Jean Grégor (L’ombre
en soi, Fayard), parce qu’il évoque les menaces qui ont pesé sur son père,
le célèbre journaliste Pierre Péan. Yannic Grannec (La déesse des petites victoires, Anne Carrière), parce que son
premier roman est sélectionné pour le prix Fnac du roman. Aurélien Bellanger (La théorie de l’information, Gallimard),
parce que le sien, de premier roman, est déjà très présent. Bruno Le Maire (Musique absolue, Gallimard), parce qu’il
a été ministre. Christine Angot (Une
semaine de vacances, Flammarion), parce que… Christine Angot !
Trois membres de
l’académie Goncourt ne se contenteront pas de lire les ouvrages qu’on leur
envoie, ils parleront aussi de ceux qu’ils publient : Bernard Pivot (Quelle est la question ?, NiL),
Tahar Ben Jelloun (L’amour conjugal,
Gallimard) et Philippe Claudel (Parfums, Stock).
Et puis, si la rentrée
littéraire est d’abord française, pour les deux tiers environ, elle ne néglige
pas les traductions. Parmi celles-ci, la plus attendue est probablement Une place à prendre (Grasset), de Joanne
Kathleen Rowling, que l’on retrouve dans une petite ville britannique, très
loin du terrain de jeu de Harry Potter. Salman Rushdie publie Josef Anton (Plon), le pseudonyme qu’il
portait dans la clandestinité quand il était menacé de mort. Toni Morrison
donne son dixième roman avec Home
(Bourgois), où se rencontrent les conséquences de la guerre de Corée pour un
soldat qui en revient et la ségrégation raciale des années cinquante. Michael
Ondaatje, dans La table des autres
(L’Olivier), raconte le voyage en bateau que fait à 11 ans Michael, un autre
lui-même, du Sri Lanka à l’Angleterre où se trouve sa mère.
L’Amérique sera à l’honneur,
en partie grâce au sixième Festival America (du 20 au 23 septembre), devenu un
rendez-vous très couru. Quelques auteurs de la rentrée ne le manqueront pas, et
certains parmi eux sont précédés de rumeurs très favorables, comme Teju Cole (Open City, Denoël), Jonathan Dee (La fabrique des illusions, Plon) ou
Jennifer Egan (Qu’avons-nous fait de nos
rêves ?, Stock).
Quant à Chuck Palahniuk, il n’aura même pas
besoin d’être présent pour trouver ses lecteurs avec Snuff (Sonatine). Cela commence en sourdine : « Un type passait son après-midi en
caleçon devant le buffet, à lécher la poudre orange sur les chips au barbecue. »
Avant d’accélérer dans le registre pornographique qui convient à l’héroïne,
star du X.
P.S. Ceci est la version longue d'un article paru hier dans Le Soir.
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