Dix minutes avant l’annonce
du Prix Virilo, je terminais Faillir être flingué, de Céline Minard. On ne peut pas se tromper chaque fois… (Si vous
ne comprenez pas l’allusion, jetez un œil sur mes malheures avec le Renaudot,
hier.) J’avoue que, malgré une presse dithyrambique, j’avais longuement hésité
à ouvrir ce roman – en outre, un collègue voulait s’en charger, ce qui m’évitait
d’avoir à me poser la question. Je n’avais pas trop apprécié les deux ou trois
livres que j’avais lu de cette écrivaine, cherchant en vain le talent novateur
qu’y trouvaient d’autres lecteurs.
Et puis, quand même, je
me suis jeté à l’eau. Pas de regrets : voici un roman charnu, couillu
ai-je envie de dire (ce qui justifie le Virilo), lancé sans précautions
oratoires dans le Far-West sauvage – pas si sauvage que cela, en fait, puisqu’on
y apprend le plaisir du bain, mais qui a gardé son âme rude, ses manières peu
délicates, ses règlements de comptes sanglants. On y vole des chevaux, on s’étripe
ou on manque de le faire pour une paire de bottes – pardon, pour une botte, à l’arrivée,
mais chacun –, on boit sec et on respire une odeur de poudre. Chez le barbier,
il arrive qu’un client pointe son revolver sur le ventre de l’artiste pendant
qu’il officie, au cas où une idée malencontreuse lui traverserait l’esprit –
mais le client n’est jamais assez prévoyant quand le barbier a fait l’acquisition
d’un siège tournant…
Bref, ça bouge en
cinémascope et il y a même des Indiens. Pour autant, Céline Minard n’a pas
décalqué un vieux western et personne ne ressemble à John Wayne dans la
distribution des personnages. Elle a puisé dans un vieux fonds d’imaginaire
collectif et s’en est emparée avec sa propre écriture.
Le jury du Virilo a
justifié son choix de belle manière : « Au
cœur d’une rentrée littéraire faible, les jurés tiennent à souligner le plaisir
de trouver un style précis et riche, qui ne s’ampoule pas de posture mais raconte avec talent. C’est un
roman aux multiples niveaux de lecture, qui éclaire les westerns crépusculaires
d’un feu nouveau, aux jaillissements découpés par l’ombre portée d’un grand
écrivain. »
Il a aussi, comme chaque
année, attribué le Prix Trop Virilo, genre : faut pas pousser. Il tombe,
pour 2013, pour le roman de Marie Nimier paru au début de l’année, Je suis un homme. J’aime bien Marie
Nimier, en général, mais je n’ai pas lu ce roman (tout le contraire de Céline
Minard). On se contentera donc des arguments qui l’ont fait choisir : « Dans la peau d’un homme qui frappe
ses femmes, elle nous gratifie de phrases comme « Je suis claustrophobe de la bite » ou encore après avoir frappé son amie « J’avais
envie de Zoé. Pas de la soigner, non de coucher avec elle. (…) Elle semblait
consentante quoique totalement passive et très vite, je fus à mon affaire. » Peut-être une manière pour Marie
Nimier de nous montrer que devenir un homme, pour elle, c’est devenir surtout,
et paradoxalement, un con… »
Et, comme je ne me lasse
pas de l’ironie avec laquelle ce jury moustachu (mais pas spécifiquement
masculin) ironise sur la littérature, je vous mets en prime toutes les petites
récompenses annexes qu’il n’a pas manqué d’énumérer :
- Le Prix Pilon (dont le ratio (Tirage + Couverture Médiatique / Qualité) est le plus faible) est remis au très enflé Naissance, de Yann Moix, ainsi qu’au Prix Renaudot.
- Nous remettons comme chaque année, un pot de Chrysanthèmes pour Nothomb en attendant qu’elle se décide à écrire un vrai livre.
- Le Prix Leonarda du récit de voyage galère revient à L’extraordinaire voyage du Fakir qui était resté coincé dans une armoire IKEA, de Romain Puertolas
- L’Accessit Amélie Poulain tue des boches revient à Au revoir là-haut de Pierre Lemaître, puisque c’est l’exact mélange entre Micmacs à tire-larigot et Un long dimanche de fiançailles.
- L’Accessit Jean d’Ormesson du titre le plus Jean d’Ormesson revient à Jean d’Ormesson pour Un jour, je m’en irai sans avoir tout dit.
- Le Prix Jacques Maillol de l’apnée littéraire revient à Plonger de Christophe Ono-dit-Bio.
- Le Prix Grazia de la ficelle trop grosse, est remis à Monica Sabolo, pour Tout cela n’a rien à voir avec moi, qui met en scène une certaine « Monica S. »
- Le Prix de la bibliothèque rose est remis à La Récréation, de Frédéric Mitterrand.
- L’Accessit du titre recherché mais un peu trop revient à N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures de Paola Pigani.
- Le prix du Bestseller qui prouve que les critiques ne servent à rien revient à Billy, d’Anna Gavalda.
- Accessit du titre qui nous promet du Bruce Willis mais nous cache en fait du Louis Garrel revient à Tristan Garcia pour Faber, le destructeur.
- L’Accessit Truman qui capote (du roman d’investigation tout pourri) revient à Amanda Sthers pour ses Erections américaines.
- L’accessit Coitus Interruptus de la posture demi-molle revient à Nicolas Bedos, pour son livre et son œuvre.
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