Cent dix ans après le premier Prix Goncourt attribué à John-Antoine Nau pour Force ennemie, où en sommes-nous aujourd'hui? Pierre Assouline a fait le tour complet des attributions depuis 1903, dans un passionnant Du côté de chez Drouant, où il multiplie les anecdotes puisées aux meilleures sources sur la manière dont l'académie Goncourt a travaillé - bien, mal, avec hésitations, sans réfléchir, en pesant des variables diverses, pas toutes littéraires, etc. Son livre a été écrit pour la radio, c'est-à-dire pas très écrit, en fait, mais il est quand même assez passionnant pour m'avoir entraîné dans une longue lecture nocturne le jour où je l'ai reçu.
Pierre Assouline, écrivain, académicien Goncourt est aussi un journaliste roué dont il faut peser les propos. L'année dernière, peu avant la proclamation du lauréat (Jérôme Ferrari), il me faisait part , disant la partager avec moi, de son hésitation entre deux autres des quatre derniers écrivains en lice, Joël Dicker et Patrick Deville. Dans son livre, il est moins disert: "Cette année-là, pour la première fois j’en suis, au 10e couvert. On comprendra que, lié par le devoir de réserve qui m’incombe désormais, je n’en dise rien d’autre que le nom du lauréat, Jérôme Ferrari, et le titre de son roman, Le sermon sur la chute de Rome, publié par Actes Sud, qui l’emporte au détriment de Patrick Deville." En revanche, il dit probablement la vérité définitive au Nouvel Observateur dans un débat avec Sylvie Ducas (qui a publié un passionnant La littérature à quel(s) prix?): "L'an dernier, j'ai soutenu du début à la fin Patrick Deville".
Cette année, il a livré une confidence hier à Bernard Lehut dans son émission Les livres ont la parole sur RTL: sa préférence va à Au revoir là-haut, de Pierre Lemaitre. Tout en reconnaissant, comme je le faisais au moment où la dernière sélection a été publiée, bien des qualités aux trois autres romans retenus.
Alors? Il faudra attendre 12h45 pour savoir qui l'aura emporté. Ce qui n'empêche pas de jouer à la traditionnelle devinette, non sans redire que le dernier carré est de grande, de très grande qualité.
Pierre Lemaitre, en partant de la fin de la Grande Guerre, a écrit un formidable feuilleton par lequel on se laisse prendre avec un plaisir constant.
Jean-Philippe Toussaint, avec Nue, clôt le cycle de Marie Madeleine Marguerite de Montalte et son travail sur les grandes scènes est éblouissant.
Karine Tuil donne dans L'invention de nos vies une longue réflexion romanesque sur l'ambition, le mensonge et leurs conséquences.
Et Frédéric Verger, débutant avec Arden, se situe d'emblée à un très haut degré de littérature, emboîtant les mots et les récits comme personne.
Difficile d'être déçu, quel que soit le choix - et même si chacun a son favori de cœur.
Je n'oublie pas que, dès après la proclamation du Goncourt, viendra celle du Renaudot, où certains annoncent Yann Moix - mais c'est, avec le roman de Philippe Jaenada, une de mes absences dans les lectures que j'ai faites depuis le mois de juillet. Les autres candidats sont Chérif Majdalani, Etienne de Montety, Romain Puértolas et l'inévitable Pierre Lemaitre...
Un Renaudot de l'essai sera attribué aussi, et j'espère que Lydie Salvayre l'obtiendra pour 7 femmes, un merveilleux parcours dans la vie et l'oeuvre d'autant d'écrivaines.
Peut-être le plus discret Renaudot du poche viendra-t-il compléter le palmarès du jour? Il apparaît depuis quelques années, mais on n'en parle jamais avant - et très peu après. J'espère, car vous savez mon attachement à ce format, qu'il sera proclamé avec force...
Bon, on en reparle tout à l'heure?
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