Que vaut le millésime
2013 des prix littéraires ? Une bonne cuvée, un grand cru, de la
piquette ? Je vais me retenir, ce n’est pourtant pas l’envie qui manque,
d’évoquer les livres qui auraient eu belle allure dans les palmarès, je vais
même, allons jusqu’au bout dans la naïveté, faire mine d’ignorer les manœuvres
qui mobilisent les éditeurs en coulisses. Et me contenter, donc, de ces
ouvrages déjà sous bandes affriolantes : Goncourt, Renaudot, etc., jusqu’à
l’Interallié d’hier pour clore la distribution.
Le bilan est globalement
positif, pour le dire très vite. Il est surtout, c’est sa plus grande qualité,
très varié : il y en a pour tous les goûts. Du vécu, du romanesque, du
choc des cultures, de l’ego, de la guerre, du théâtre, du facile à lire comme un
feuilleton et du plus ardu qui oblige à se concentrer.
L’année dernière, le
roman d’un jeune Suisse inconnu, ou presque, était devenu le best-seller de
l’automne, propulsé par l’Académie française et le Goncourt des Lycéens : La vérité sur l’affaire Harry Quebert,
de Joël Dicker. Le livre, épais, se lisait sans effort particulier et procurait
un vif plaisir. Au revoir là-haut, de
Pierre Lemaitre, prix Goncourt cette année, semble renouveler la formule, en y
ajoutant le parfum d’une commémoration de la Grande Guerre dont on va prendre
pour cinq ans puisque, oui, c’est commencé avant l’heure. Mais, s’agissant de
Pierre Lemaitre, auteur de romans noirs célébré dans le genre, et moins connu
par les lecteurs de littérature « blanche », personne ne songera à s’en
plaindre. Surtout pas les libraires…
De toute manière, la
facilité n’est pas la norme cette année – elle ne l’était pas davantage l’an
dernier, d’ailleurs, et cette remarque est à porter au crédit des jurys
littéraires. Yann Moix n’impressionne pas seulement par le volume de Naissance (Renaudot), il pratique aussi
une écriture radicale qui indispose ou séduit, c’est selon – elle suscite en
tout cas des réactions. Leonora Miano, dans La saison de l’ombre (Femina), nous parle d’un monde dont nous ne connaissons souvent
que quelques clichés. Et, s’agissant de démonter des clichés, Marie
Darrieussecq s’est emparée avec talent de la relation entre une femme blanche
et un homme noir (Il faut beaucoup aimerles hommes, Médicis).
Je viens de citer deux
femmes et on fait souvent remarquer leur place réduite dans les listes d’auteurs
primés. Nelly Alard, en remportant hier le Prix Interallié (Moment d’un couple), succède, comme
écrivaine, à Dominique Bona, couronnée en… 1992 ! Bien joué, avec un roman
sur la fragilité d’un couple qui part à la dérive et où l’épouse tente de
construire un radeau afin de sauver ce qui peut l’être.
Monica Sabolo, autre
femme, parle aussi d’amour dans Tout cela n’a rien à voir avec moi (Flore). Tout comme, d’ailleurs, Christophe
Ono-dit-Biot, homme cependant, dans Plonger(Académie française). Et Le quatrième mur,
de Sorj Chalandon (Goncourt des Lycéns), n’est pas un livre sans amour même s’il
s’agit surtout d’une guerre et de l’espoir de la tenir à distance le temps d’une
représentation théâtrale.
Ce n’est pas mal du tout,
cette liste. Chacun y trouvera son compte.
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