On ne le dira jamais assez: les traducteurs sont les passeurs de toutes les littératures que nous ne lirions jamais sans eux, faute de connaître toutes les langues. Il arrive pourtant souvent qu'on les oublie quand on parle d'un livre qui ne seraient pas arrivés jusqu'à nous s'ils n'avaient pas été là. Les deux traducteurs qui viennent de recevoir les prix de la Maison des écrivains étrangers et des traducteurs, avec la collaboration de l'Association des traducteurs littéraires de France, ont bénéficié de ce qu'on considère comme une faveur, et qui reste donc rare, alors que ce devrait être la norme: leurs noms se trouvent sur les couvertures des livres pour lesquels ils reçoivent, l'un (Claro) le Prix Laure-Bataillon, l'autre (Guy Jouvet) le Prix Bernard Hoepffner.
Claro a traduit l'immense (en volume et, semble-t-il, aussi en qualité mais malheureusement je n'ai pas trouvé le temps de le lire) Jérusalem, d'Alan Moore (Inculte). Je me demande toujours comment il fait pour mener de front autant de travaux considérables même s'ils ont tous en commun le (bon) goût littéraire - rien à voir avec un penchant pour la norme, comme l'a constaté Patrick Besson dans une récente chronique du Point, incapable de comprendre ce qui se passe quand les mots ne sont pas sagement alignés les uns derrière les autres, en uniformes et à la parade.
A propos de ce qui ressemble fort à une boulimie de travail, Claro m'avait fourni, il y a quelques années, cette explication - toujours valable, je crois:
Multiplier les formes d'écriture - romans plus ou moins longs, formats moyens pour le blog, forme ultra-courte pour Facebook -, répond à un besoin d'écriture à plusieurs niveaux, selon des vitesses et des intensités différentes, avec un impact allant de l'aléatoire à l'immédiat. Ecrire est une nécessité mais les formes que prend l'écriture peuvent tendre vers le divertissement, au sens où il est agréable (et utile) d'emprunter des «détours», une forme de jogging textuel qui entretient le clavier avant ou pendant de plus amples marathons.
Guy Jouvet a, de son côté, (re)traduit un des grands livres de Laurence Sterne, Un voyage sentimental (Tristram). Sterne est de ces écrivains dont on nous rappelle souvent, à juste titre, qu'ils sont nos contemporains - quelle que soit l'époque où ils ont vécu. Certes, mais les traductions anciennes sont souvent plus datées que le texte original. Et il est nécessaire de donner à la transposition de celui-ci un coup de jeune qui le rapproche de nous et permet de percevoir à quel point il touche aujourd'hui encore.
Le salon Lire en poche, de Gradignan, a pour sa part salué quelques ouvrages parus dans le format auquel il se consacre (et qui m'est cher):
- Prix de littérature française à Négar Djavadi, pour Désorentiale (Liana Levi, coll. Piccolo)
- Prix de littérature traduite à François Gaudry, pour la traduction de l’espagnol (Colombie) de Nécropolis 1209, de Santiago Gamboa (Ed. Métailié, coll. Suites)
- Prix de littérature jeunesse à Marie-Aude Murail, pour L’Oncle Giorgio (Bayard Poche, coll. J’aime Lire)
- Prix du polar à Christophe Guillaumot, pour Abattez les grands arbres (Ed. Points)
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