Hier soir, comme c'était annoncé, a été attribué le Prix Landerneau des lecteurs, émanation des Espaces culturels Leclerc. C'est Serge Joncour, retenu aussi dans la plus récente sélection du Prix Jean Giono, qui l'obtient pour Chien-Loup (Flammarion), une des belles réussites de cette rentrée littéraire.
Le décor, dans le Lot, et même dans une partie ténébreuse, peu accessible du Lot, est splendide. Fascinant et effrayant à la fois.
Fascinant pour Lise, qui compte bien rencontrer dans la maison isolée qu'elle a trouvée le calme dont elle a besoin, loin du monde et des ondes néfastes qui envahissent le réseau de communications au milieu duquel on se trouve, qu'on le veuille ou non, dans les villes.
Franck est beaucoup moins convaincu: trois semaines sans Internet, et si ça se trouve il n'y aura ni bouilloire ni grille-pain, dans une maison dont il se demande bien quels avantages elle propose (ceux que voit Lise, pardi, selon d'autres valeurs), en tout cas pas la piscine, absente elle aussi, l'idée est insupportable - et son travail, alors? Il y est enchaîné à tel point qu'il ne se rend même plus compte.
Bon, Franck aime Lise, il est prêt à quelques concessions et les voilà donc en route, par un chemin pentu, vers le havre de paix, pourvu qu'à une distance raisonnable, quitte à égratigner la peinture de la voiture de location sur l'étroite voie d'accès, se trouve un point wifi.
Le décor a à peine changé depuis cent ans. C'était l'époque de la Grande Guerre, un Allemand peu désireux de faire la guerre, et qui voyageait avec ses animaux domptés, phénomènes de cirque, était resté dans les collines, apprivoisant leur sauvagerie comme il avait apprivoisé celle de bêtes peu faites a priori pour l'état domestique.
Un siècle a passé et le passé a laissé des traces. Une présence effrayante, celle d'un chien-loup, renvoie à l'Allemand et à ses créatures, les cages dans lesquelles il avait enfermé celles-ci sont toujours là, au milieu de nulle part, sans utilité désormais.
Bien qu'un autre usage puisse être envisagé, comme Franck le prévoit au départ d'une idée floue qui se précise, et qui ne promet rien de bon. Certes, "l'homme n'est pas le seul animal à être bestial" mais il est capable de battre quelques records sur l'échelle de la cruauté: "Quand la nourriture vient à manquer, l’homme devient plus sauvage que les bêtes. Les lions ne s’entretuent pas pour une proie, tandis que les hommes le feraient."
Le lecteur n'est pas au spectacle d'un cirque, il est au spectacle de la bêtise humaine. Il en vaut bien un autre quand le romancier est capable de le mettre brillamment en scène, et Serge Joncour l'est à coup sûr.
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