Dure bataille
(De
l’envoyé spécial du Petit Journal.)
Front britannique,
24 octobre.
Dure est la
bataille. Le Boche soutient le choc des trois armées anglaises et il détale. Il
donne même nettement l’impression de jouer sur l’usure. Ayant pu s’accrocher où
il est, il se demande si un suprême effort, faisant illusion, ne pourrait pas
le sauver du déménagement précipité. L’histoire de ces quatre années de guerre
est pleine de ces bluffs d’ennemi à ennemi. Quelle est l’armée qui, trompée par
des apparences, n’a pas au moins une fois laissé tomber sa chance de porter le
coup de grâce. C’est là-dessus que l’Allemand compte. Il se cramponne pour nous
déconseiller de continuer l’attaque. Son espoir ne réside plus désormais que
dans l’avortement de nos efforts. Il est encore homme à promettre, il n’est
plus homme à tenir. C’est ce qu’il fait depuis hier, c’est la signification de
sa résistance. N’insistez pas, nous crie-t-il, vous voyez bien que je tiens.
Les
Britanniques, quand ils le veulent, sont de remarquables sourds. Ce sont des
gens qui n’entendent rien que ce qu’ils veulent.
Des combats
violents partout se déchaînent. À Tournai, dans le faubourg de Lille, canons et
hommes nous opposent la plus violente des barrières. À Tournai toujours, le
petit bois au sud du faubourg Saint-Martin change trois fois de mains et
retombe dans celles de l’ennemi. À Froidmont, ayant foncé tête baissée, nous
prenons 88 prolonges et caissons et 43 voitures attelées. Au nord de
Valenciennes, nous nettoyons la forêt de Raismes, prenons Thiers, Auterives et
plusieurs villages. Au sud de Valenciennes, sur tout le front de bataille,
lutte déchaînée. On le repousse. Au nord-est du Cateau nous nous mettons en
demeure d’entamer un gros morceau de la forêt de Mormal. Nous avons Bouzie,
nous avons les dents dans la peau de la bête, elle viendra.
Le Petit Journal, 25 octobre 1918.
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