Avec Un homme si simple, que la Bibliothèque malgache présentait hier, Chalet 1 forme un diptyque: d'abord, André Baillon explique dans des confessions pourquoi il en était arrivé là, pensionnaire de la Salpêtrière; ensuite, il raconte comment il y a vécu. Les deux ouvrages viennent de reparaître en version numérique.
Le 27 mars 1926, le supplément littéraire du Figaro publie un extrait de Chalet 1 que les lecteurs découvrent ainsi en avant-première : « Sous ce titre, M. André Baillon va faire paraître, chez les éditeurs Rieder & Cie, un roman qui est un peu la suite d’un Homme si simple. Il fait défiler devant nos yeux, dans ce livre, toutes les figures qu’il a rencontrées durant les mois douloureux qu’il a passés là-bas, malades, médecins, infirmières, visiteurs. »
Victor Crastre publie le mois suivant, dans L’Humanité, un long commentaire sur l’ouvrage : « Aujourd’hui, dans Chalet 1, André Baillon nous raconte le séjour de Jean Martin à la Salpêtrière – Pépette, comme disent les initiés. Avec un art minutieux, il fixe les traits des gens qu’il a connus là-bas : malades, hommes et femmes, internes, infirmières ; il nous raconte des histoires de l’hôpital, il nous parle des manies d’un tel, des lubies de tel autre, il s’intéresse aux potins des salles et il s’amuse des extravagances des malades, car il ignore ou il feint d’ignorer, le pauvre Jean Martin, que lui aussi commet mille excentricités et qu’il amuse souvent, à son tour, les malades. Le langage de Jean Martin est d’ailleurs curieux : c’est une perpétuelle analyse rétrospective d’un homme qui veut à tout prix se persuader que son esprit demeure sain et qui découvre à demi, cependant, l’irrégularité de ses actes, leur manque de raison apparente. »
Un regret conclut l’article : « On pourrait lui reprocher sans doute d’avoir serré de trop près l’actualité quotidienne : il ne s’élève jamais au-dessus du fait divers d’hôpital, mais cet homme si simple, écrivant ces lignes, n’a sans doute voulu que nous donner son Carnet de malade. »
Francis de Miomandre rejoindra ce point de vue dans L’Europe nouvelle : « Chalet 1 […] ne vaut pas Un homme si simple. Il n’a point cette ampleur, ni cette pénétration psychologique. C’est une suite de tableaux, quelques-uns très intenses, mais, précisément à cause de cette trépidation cinématographique, l’auteur est empêché d’aller aussi loin qu’il pourrait, aussi loin qu’il s’est peut-être interdit d’aller, pour ne pas perdre pied lui-même, dans ces sables mouvants de la psychologie. »
Le même critique sait cependant gré à André Baillon, qui « a été élevé à l’école de Jules Renard », de ne pas dramatiser et d’éviter le Grand-Guignol. « Avec Baillon on est rassuré. La folie y est ramenée aux proportions de la grande neurasthénie, et la neurasthénie réduite en ses éléments proprement humains. »
Dans le Mercure de France, John Charpentier admire sans réserve : « M. Baillon nous montre ses camarades d’hôpital comme il faudrait voir les hommes dans la vie courante, avec, en plus, le grain d’ironie qui relève le goût de l’observation, et l’indulgence ou la charité qui nous interdit de nous croire supérieurs à ceux que nous jugeons. Cet homme désabusé – et qui ne s’abuse même pas sur lui-même – s’attendrit devant la grâce d’une fleur et sourit de la poésie qui se mêle à tout et qu’on peut découvrir partout, à condition de n’être l’esclave d’aucune idée préconçue. J’aime, tout particulièrement, qu’il n’insiste pas sur ces déchéances auxquelles j’ai fait allusion plus haut, et dont il lui eût été facile d’exagérer l’horreur. “Nous ne serons jamais plus cruels que la vie”, disait Laforgue. M. Baillon le sait bien, mais il ne le répète pas à satiété dans son livre, et ce livre, si sombre qu’il soit, a le charme d’un florilège sur nos sentiments et nos passions, sur nos vices et nos petites manies, sur nos douleurs et nos joies, enfin, qui semblent tissées d’un fil pareil, mais diversement coloré, selon les heures. »
Par ce livre « étrangement émouvant », Henry Bidou semble avoir été bouleversé, à en croire son article de La Revue de Paris : « ce récit sans ornements et sans phrases est un des plus poignants qu’on puisse lire. Le peuple de ces êtres puérils, diminués, instinctifs, chimériques, tantôt isolés, tantôt réunis en un seul être collectif, forme un tableau saisissant. […] Drames naissants, ruses, machines, humeurs subites, affolements, toute l’humanité est dans ce petit livre. Pour connaître les hommes, regardez les fous. »
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