mercredi 28 octobre 2015

Prix Renaudot? Même pas peur!

On ne craint rien, au jury du Renaudot où s'assemblent, sans se ressembler, des écrivains aussi différents que J.M.G. Le Clézio et Frédéric Beigbeder, la discrétion face à l'exposition...
On ne craint pas d'éliminer, dès la deuxième sélection, Boualem Sansal, considéré avant la rentrée, et pendant les premières semaines de celle-ci, comme le favori naturel (comme si cela existait) de tous les prix littéraires avec 2084, sorti aussi de la dernière sélection du Goncourt. Ce qui semble d'ailleurs susciter une bronca dans de nombreux commentaires. Je m'étonne qu'on s'étonne. C'est bien, 2084, mais c'est assez loin d'être un roman parfait, j'écrivais d'ailleurs à son sujet: "La démonstration n'évite pas quelques pesanteurs",  (Vous lirez probablement quand même sous peu ici cet article dans son intégralité, car 2084 est toujours sélectionné pour le Femina et, s'il ne l'a pas, l'Interallié remplira probablement sa fonction de rattrapage, dont ont déjà bénéficié quelques écrivains partis en tête dans la course aux prix sans tenir la distance...)
On ne craint pas non plus, au Renaudot, de conforter Fabrice Guénier dans sa démarche originale pour faire parler d'Ann, son roman paru en mars dans la plus grande discrétion mais soutenu par Patrick Besson (du jury Renaudot) dans une chronique du Point. Le livre avait été retenu dans la première sélection, on se disait que c'était pour faire plaisir à Patrick Besson. Il est resté dans la deuxième, on n'a plus rien dit. Même pas sous forme d'articles, d'ailleurs (moi non plus, je l'avoue). Il est vrai que parler, en septembre ou octobre, d'un titre sorti en mars, et que généralement les libraires n'ont plus dans leurs rayons, ressemble à un combat inutile alors que tant d'autres livres plus récents, et présents en librairie, attendent d'être défendus, sortis de la masse. (Je n'écris pas ceci pour me justifier, ou justifier mes confrères, j'explique.) C'est alors que, dans cette démarche que je qualifiais d'originale, Fabrice Guénier a pris son destin en main et a passé, dans Libération, la petite annonce que je vous montre. Sans en parler à son éditeur, tout seul comme un grand. Il a, comme on dit, "fait le buzz", des journalistes, des blogs se sont intéressés à son cas, bref, il a vécu en immersion une actualité dont il était devenu un acteur. (Il le raconte ici.) Cela aurait pu décourager le jury du Renaudot et conduire à la disparition d'Ann de la dernière sélection. Et puis, non: le roman s'y trouve toujours. Je vais d'ailleurs le lire sans tarder.
On ne craint pas non plus, dans ce même jury, l'ire de Philippe Sollers et de ses amis (j'ai failli écrire: sa bande) dont les aventures malheureuses au pays du débat sont un passage croustillant de La septième fonction du langage, de Laurent Binet - et pas le seul. Si vous êtes des lecteurs fidèles de ce blog, vous savez que j'ai beaucoup aimé son livre.
Tout cela pour en arriver à dire qu'il reste, avant la délibération de mardi prochain, cinq romans et trois essais. Les lauréats du Renaudot seront annoncés dans la foulée du Goncourt, et probablement n'entendra-t-on même pas leurs noms dans le brouhaha qui règne habituellement chez Drouant ce jour-là peu avant 13 heures. Retenons au moins ceux qui ont survécu jusqu'ici.

Romans
  • Laurent Binet, La septième fonction du langage (Grasset)
  • Christophe Boltanski, La Cache (Stock)
  • Fabrice Guénier, Ann (Gallimard)
  • Philippe Jaenada, La petite femelle (Julliard)
  • Delphine de Vigan, D'après une histoire vraie (Lattès)
Essais
  • Didier Blonde, Leila Mahi 1932 (Gallimard)
  • Philippe Forest, Aragon (Gallimard)
  • Sony Labou Tansi, Encre, sueur, salive et sang (Le Seuil)

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