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mercredi 10 juin 2020

La fin du « Magazine littéraire », ancien et nouveau


Un dossier « Des livres pour revivre », coordonné par Hervé Aubron, propose des pistes de lecture dans le nouveau numéro du Nouveau Magazine Littéraire. Mais il s’ouvre par quelques lignes qui ont valeur d’avertissement :
Le « monde d’après », qu’ils disaient… Au lendemain du confinement, et alors que l’évolution de la pandémie demeure en question, nous avons demandé à des écrivains et critiques à quels livres ils s’accrochent pour revivre : penser ou rêver la suite, ou tout simplement trouver l’impulsion pour continuer. En ce qui concerne Le Magazine littéraire, ce n’est pas seulement affaire de circonstance : alors que nous imprimons, le titre est mis en vente par son propriétaire, et son destin encore incertain. On espère qu’on se retrouvera bientôt.
Entre le moment où ces mots ont été écrits et celui où on les lit, l’espoir semble s’être envolé. À en croire un article de Vincy Thomas paru hier sur le site de Livres Hebdo, « Lire avale Le Nouveau Magazine Littéraire ». La nouvelle était dans l’air, ce n’est donc pas vraiment une surprise.
C’est quand même un pincement au cœur pour moi, à un double titre. J’ai été lecteur du Magazine littéraire depuis… euh… longtemps. Depuis-depuis, comme on dirait à Madagascar. Je n’en ai pas connu la toute première formule, quand Guy Sitbon en était le directeur et François Bott, le rédacteur en chef. Mais j’ai pris le mouvement en route avec Jean-Jacques Brochier à la tête de la rédaction, poste qu’il occupa de 1968 à 2003 – et peut-être le fait d’en avoir été écarté à ce moment a-t-il précipité sa mort, l’année suivante. Nicky et Jean-Claude Fasquelle avaient racheté le magazine en 1970.
C’est donc à Jean-Jacques Brochier que j’avais proposé en 1986 un entretien avec Le Clézio, qu’il accepta, qui fut relu par Jean-Louis Hue (futur rédacteur en chef) que je n’avais pas encore rencontré à ce moment (lui à Paris, moi à Bruxelles où se trouvait aussi, pour quelques jours, Jean-Jacques Brochier), entretien qui fut annoncé en « une » du n° 230 de mai 1986 et par lequel j’entamais une collaboration qui allait connaître des jours heureux jusqu’à ce que je m’éloigne géographiquement et que les contacts s’espacent sans jamais s’interrompre vraiment.
Puisque mon dernier article du Magazine littéraire est sorti dans le n° 583 de septembre 2017 (consacré à un roman de Fouad Laroui), je ne mens pas en disant que j’ai été le collaborateur de ce mensuel pendant plus de dix ans. Avec des éclipses, certes, mais on oublie si facilement les mois (et les années, parfois) où le soleil ne brille pas…
Ce que Le Magazine Littéraire avait perdu, en décembre de cette année-là, quand il est devenu Le Nouveau Magazine Littéraire, sous la houlette très provisoire de Raphaël Glucksmann, le lecteur que je suis en a davantage souffert que le collaborateur que je n’étais plus.
Ce qu’il deviendra en fusionnant avec Lire, à moins que le titre de Vincy Thomas soit plus proche de la réalité à venir, je n’en sais rien. Mais non, je ne m’en fous pas du tout, j’espère seulement ne pas être trop déçu.
D’avoir collaboré aussi à Lire – mais une seule fois – ne me console en tout cas pas vraiment de cette information.

mercredi 11 mars 2020

Dernières nouvelles du front (Renaudot, Magazine littéraire, etc.)


Jérôme Garcin démissionne du jury Renaudot et demande à être remplacé par une femme. Bien. Il n’a pas un nom à suggérer, tant qu’à faire ? Il ne se sent pas vraiment coupable, d’ailleurs il n’avait pas voté pour Matzneff quand le prix de l’essai lui a été attribué en 2013. Le lui avait-on demandé, au fait ?
Tempête dans un verre d’eau, qui lui vaudra peut-être quelques remarques faussement élogieuses et vraiment sarcastiques au Masque et la plume, dans le genre félicitations pour son courage… Quel courage ?
Bon, le livre de Vanessa Springora (que vous avez toutes et tous, surtout tous, lu, j’espère) a fait de grosses vagues mais cette dernière manifestation de ses effets s’apparente à l’ultime vaguelette à peine perceptible pour un œil peu entraîné. D’ailleurs, je suis à peu près certain que cette démission vous aurait échappé si mon sens du devoir (mon courage ? ah ! ah ! ah !) ne m’avait conduit à vous la signaler.
Plus visible, mais pas tout de suite, risque d’être, s’il se réalise, le projet de fusion entre Lire et Le Nouveau Magazine littéraire. Claude Perdriel, propriétaire du second, est prêt, d’après Libération, à le céder au premier pour un montant symbolique, autant dire des nèfles, mais qui peut croire qu’un magazine essentiellement consacré aux livres vaut davantage ?
Bien que très moyennement convaincu par les nouvelles versions successives de l’historique Magazine littéraire auquel j’ai été attaché comme lecteur fidèle et, pendant plusieurs périodes, comme collaborateur plus ou moins régulier, je me ferais mal à sa disparition ou à son absorption, ce qui revient à peu près à la même chose : un espace critique mensuel tout à coup divisé par deux. Heureusement que d’autres font encore le boulot – dans le désordre, presque au hasard, Le Matricule des anges, En attendant Nadeau, Diacritik, j’en oublie, tant mieux pour vous, cela vous obligera à creuser un peu.
Pendant ce temps, Livre Paris 2020 continue à ne plus se préparer pour cause d’épidémie finalement bienvenue (dans ce contexte précis, ne me faites pas dire ce que je n’ai ni dit ni voulu dire). Car l’enthousiasme déclinant des éditeurs, de moins en moins prêts à investir dans ce barnum, annonçait à moyenne échéance la disparition de l’événement – ou sa renaissance si les organisateurs se décidaient à revisiter ses fondamentaux (comme pour les César ?). Bref, tout le monde s’en fout.
Comme de la démission de Jérôme Garcin.
Mais définitivement pas d’une fusion entre deux mensuels littéraires.

samedi 30 novembre 2019

2019, bilans et palmarès

Quand j’entends le mot « bilan », je crois toujours que « comptable » va suivre. (Cela pourrait être pire, l’expression « bilan de santé », le jour où elle me viendra naturellement à l’esprit, n’augurant pas favorablement de la suite. Mais, puisque ce n’est pas encore le cas, continuons à nous encanailler dans la littérature !) Et, quand j’entends « bilan comptable », je sous-entends que cela ne m’intéresse pas beaucoup.
Néanmoins et malgré tout, lisant Livres Hebdo, j’y trouve les chiffres (vous voyez bien !) des ventes des romans de la rentrée littéraire qui vient de nous occuper quelques mois (et dont me distraient, ces jours-ci, les programmes des éditeurs pour janvier et février). 55 titres ayant été classés dans les listes hebdomadaires des meilleures ventes, pour des chiffres (réels, nous assure-t-on) échelonnés de 189 327 (Soif, d’Amélie Nothomb) à 3 349 exemplaires écoulés (La télégraphiste de Chopin, d’Éric Faye).
Côté palmarès (il y eu concours ?), comme si les prix d’automne ne suffisaient pas, deux magazines ont établi les leurs : 30 livres pour Le Point, 100 pour Lire. Repris parmi les parutions de toute l’année, soit sur une durée plus longue.
Quant à moi, ni bilan, ni palmarès, mais environ 250 nouveautés lues depuis janvier, avec un premier choix unique : Sur la route du Danube, d’Emmanuel Ruben (Rivages), de l’enchantement duquel je ne suis pas encore sorti. Et environ 90 de ces livres qui mériteraient une mention d’excellence. (C’est beaucoup, c’est probablement trop, mon côté bon public me perdra, un jour.)
Est-il possible de croiser tout cela, d’extraire la part commune de ces différentes listes reposant chacune sur des critères propres ? On va essayer…
J’ai lu un quart des choix du Point, où figure un gros paquet de livres probablement très intéressants mais hors des territoires que j’arpente habituellement (quelque part autour du Danube et très au-delà, pourvu qu’il soit question de littérature). Parmi eux, six ouvrages que je défendrais volontiers si on me le demandait (cherchez l’erreur) :

  • Santiago H. Amigorena. Le ghetto intérieur (POL)
  • Jonathan Coe. Le cœur de l’Angleterre (Gallimard)
  • Diana Evans. Ordinary people (Globe)
  • Capucine et Simon Johannin. Nino dans la nuit (Allia)
  • Victoria Mas. Le bal des folles (Albin Michel)
  • Ottessa Moshfegh. Mon année de repos et de détente (Fayard)
  • Jesmyn Ward. Le chant des revenants (Belfond)
Quelques-uns de ces ouvrages apparaissent dans les meilleures ventes de la rentrée selon Livres Hebdo : 52 641 exemplaires pour Mas, 47 836 pour Coe, 13 992 pour Amigorena. Trois sur cinq romans de la rentrée, pas mal…
En tout cas, j’applaudis à la présence de deux ghettos, celui de l’intérieur et celui de l’Angleterre, moins au troisième, la Salpêtrière.
Il y a d’autres titres intéressants dans les meilleures ventes, y compris dans les toutes premières positions : oui à Amélie Nothomb, à Sylvain Tesson, à Jean-Paul Dubois. D’autres félicitations peuvent être envoyées : Patrick Modiano, Cécile Coulon, Marie Darrieussecq, Bérengère Cournut, Jean-Philippe Toussaint, Sylvain Prudhomme, Chris Kraus, Edna O’Brien, Audur Ava Olafsdottir, Julia Deck, Monica Sabolo, Patrick Deville, Tommy Orange, Joyce Carol Oates, Jean-Luc Coatalem et Brigitte Giraud. J’ai été moins convaincu par Karine Tuil, Laurent Binet, Emma Becker ou Sébastien Spitzer. Et pas du tout par Géraldine Dalban-Moreynas. Ce qui me permet de donner un avis (en très bref ici, en un peu ou beaucoup plus long dans des articles du Soir) sur la moitié de ces 55 livres. 14 ont été écrits par des femmes, 13 par des hommes – je ne l’ai pas fait volontairement, je me moque bien de savoir si le livre que je lis est écrit par un homme ou par une femme, il n’empêche que le résultat a quelque chose de satisfaisant… Mais six traductions seulement, c’est bien peu. (Jamais content !)
Quant à Lire, il désigne comme livre de l’année un titre à côté duquel je suis complètement passé : Les Furtifs, d’Alain Damasio (La Volte). Et puis, 99 autres livres, un chiffre pas si éloigné du mien, mais avec une ouverture bien plus grande sur tous les secteurs de l’édition. J’en resterai, en feuilletant le numéro de décembre, à l’intersection entre les choix du magazine et mes lectures, accords et désaccords feront la musique que vous voudrez y entendre.
D’accord : Cécile Coulon, Sylvain Tesson, Delphine de Vigan, Patrick Modiano, Jean-Paul Dubois, Amélie Nothomb, Sylvain Prudhomme, Bérengère Cournut, Sofia Aouine, Victor Jestin, Emmanuel Ruben, Capucine et Simon Johannin, Joyce Carol Oates, Orhan Pamuk, Otessa Moshfegh, Chris Kraus, Jesmyn Ward, William Boyd, Michael Ondaatje, Jonathan Coe, Edna O’Brien, Mircea Cartarescu, Manuel Vilas
Pas d’accord : Guillaume Musso, Karine Tuil, Victoria Mas, Laurent Binet, Emma Becker.
Oui, le plus souvent, je confirme les choix de Lire, pour (recommençons à compter, sauf si vous en avez assez) 13 femmes et 16 hommes, c’est un peu moins satisfaisant, 11 traductions sur 28 ouvrages me font quand même du bien. (Si vous trouvez une erreur de calcul, revenez en arrière, il ne devrait pas y en avoir. Ou jetez-moi votre boulier compteur à la tête !)

vendredi 23 août 2019

Rentrée littéraire : une pluie d’étoiles


Dans Le Monde daté d’hier, la série d’été « Le Monde et moi » s’ouvrait aux relations entretenues avec le quotidien par le délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux. Le titre m’avait fait frétiller : « Cette distribution d’étoiles à laquelle l’époque succombe ». Car j’ai déjà écrit, ici ou là, combien l’assimilation d’une production culturelle à une matière pour guides gastronomiques me semble une dérive à côté de laquelle les promesses de la lecture rapide ne représentent qu’un péché véniel.
Thierry Frémaux, donc, laisse entendre, bien que sans la virulence que j’aurais pu y mettre, combien « cette distribution d’étoiles à laquelle l’époque, hélas, succombe partout » (le « hélas » en dit long) l’irrite.
(Ici, un douloureux aveu : le journal pour lequel je travaille pratique aussi cette politique des étoiles, et je m’étais donc employé, en début de semaine, à noter – le vilain mot ! – les livres de la rentrée sur lesquels mes articles paraîtront demain dans Le Soir. Trois étoiles donc, sur un maximum de quatre, pour Claro et Ottessa Moshfegh, deux pour Guillaume Lavenant, Aurélie Champagne et Jérôme Attal.)
Au lendemain de la lecture de cette colonne qui faisait du bien, je lus Lire, activité mensuelle, ou presque, tout à fait plaisante.
Mais, au fil des pages, une gêne naquit, en raison de la générosité avec laquelle les mêmes étoiles que j’avais utilisées quelques jours plus tôt étaient distribuées. Dans le magazine dont Bernard Pivot (pas avare d’admirations, réelles ou feintes) fut le premier rédacteur en chef, on peut monter jusqu’à l’attribution de cinq étoiles – c’est quel grade, ça ? ou bien est-ce une référence à un mouvement politique italien ? Ce qui fait, si je compte bien, et en n’oubliant pas la possibilité de l’absence d’étoile, six niveaux d’appréciation. Le niveau supérieur, comme les autres, a une signification, fournie en fin de mensuel : « Lire a aimé à la folie ». D’accord… (Les quatre étoiles ont la même signification chez nous où, comme dans Lire je suppose, chaque rédacteur d’article est responsable de ses choix.) Cela se confond-il avec la notion de chef-d’œuvre, du genre de celui que les chroniqueurs se réjouissent de découvrir chaque semaine ?
Donc, je lus Lire – je l’ai déjà dit.
  • Page 17, Josyane Savigneau attribue cinq étoiles à Edna O’Brien.
  • Page 49, Baptiste Liger, cinq aussi pour Sylvain Pattieu et Sylvain Prudhomme.
  • Page 51, Laëtitia Favro, cinq à Yannick Grannec.
  • Page 81, Josyane Savigneau récidive avec Joyce Carol Oates.
  • Page 85, Hubert Artus fait le maximum pour Tommy Orange.

Et voici donc six chefs-d’œuvre, admettons, à lire toutes affaires cessantes. Après quoi vous pourrez passer à la petite vingtaine d’ouvrages crédités de quatre étoiles (que Lire aime « passionnément »). Cela devrait vous occuper suffisamment pour attendre sans impatience le prochain numéro du magazine.

jeudi 27 juin 2019

Rentrée littéraire : les 15 romans de «Lire»

Ce n'est pas une surprise: dans son choix annuel de romans de la rentrée, Lire a retenu la tout aussi annuelle livraison d'Amélie Nothomb. Il me semble - je n'ai pas vérifié - que c'est le cas à chaque fois. Cela simplifie la vie (Bon, voilà, on met le Nothomb, quoi pour les quatorze autres?) et permet de miser sans grand risque d'erreur sur un des succès à venir. Plus discutable si l'on envisage la qualité des romans, cette habitude doit probablement être prise pour ce qu'elle est: une habitude, en somme...
Mais, et c'est une surprise, Soif, que j'ai lu, détonne avec la relative faiblesse de la production régulière de la romancière belge: le livre est excellent et je l'ai lu avec grand plaisir. Tant mieux.
Dans l'éditorial où il présente le contenu du numéro de juillet-août, Baptiste Liger ne s'étend pas sur les modalités du choix des quinze romans dont Lire offre des extraits. Et il se montre prudent, puisqu'il a été arrêté "sans anticiper nos futures préférences, qui seront révélées dans notre prochaine édition". Il n'empêche: chaque extrait est précédé d'une brève mais enthousiaste description. On n'a donc pas choisi au hasard et voici vers quoi vos lectures s'orienteront si vous faites confiance au 477e numéro du mensuel:
Olivier Adam. Une partie de badminton (Flammarion)
  • Kaouther Adimi. Les petits de Décembre (Seuil)
  • Nathacha Appanah. Le ciel par-dessus le toit (Gallimard)
  • Claire Berest. Rien n'est noir (Stock)
  • Sorj Chalandon. Une joie féroce (Grasset)
  • Jonathan Coe. Les coeur de l'Angleterre (Gallimard)
  • Cécile Coulon. Une bête au Paradis (L'Iconoclaste)
  • Marie Darrieussecq. La mer à l'envers (POL)
  • Jean-Paul Dubois. Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon (L'Olivier)
  • Lionel Duroy. Nous étions nés pour être heureux (Julliard)
  • Marin Fouqué. 77 (Actes Sud)
  • Yannick Grannec. Les simples (Anne Carrière)
  • Guillaume Lavenant. Protocole gouvernante (Rivages)
  • Yann Moix. Orléans (Grasset)
  • Amélie Nothomb. Soif (Albin Michel)

Curieusement, une seule traduction pour une liste dans laquelle treize éditeurs sont représentés. Deux premiers romans s'y sont glissés, saurez-vous en retrouver les auteurs? (Je vous aide: Marin Fouqué et Guillaume Lavenant.) Et sept autrices contre huit auteurs, parité de toute manière impossible à respecter en raison du nombre impair, mais bel effort...

vendredi 30 novembre 2018

La grande confusion des bilans

Livres Hebdo fait écho, coup sur coup, aux bilans littéraires de l'année tels que les ont établis les rédactions de Lire et du Point. C'est de saison, on ne va pas le leur reprocher. Mais franchement, tels quels, ces bilans ne servent pas à grand-chose - pour ne pas dire à rien. C'est une telle accumulation de titres, rangés ou non par catégories, qu'un libraire chevronné n'y retrouverait pas ses titres préférés, quand bien même ils y sont peut-être.
Tempérons cette irritation (qui n'a rien à voir avec une éventuelle mauvaise nuit, car, merci de vous en inquiéter, j'ai bien dormi). Transposées dans les pages des magazines, ces bilans prendront peut-être un certain relief.
En attendant, je vous renvoie aux listes publiées par Livres Hebdo et je retiens une seule chose, l'élection du Lambeau, de Philippe Lançon, comme meilleur livre de l'année par Lire, titre honorifique et mérité renforcé par sa présence dans les choix du Point - ainsi que par des dizaines de milliers de lecteurs, le Femina et un Renaudot spécial. Ne retenir que cela peut sembler un peu court mais c'est tellement incontestable...

dimanche 1 juillet 2018

Le feuilleton de la rentrée littéraire 2. Les incontournables

L'appellation n'est pas de moi mais de... l'incontournable Livres Hebdo qui, comme chaque année, présentant la rentrée littéraire, élit une poignée d'ouvrages dont on sait déjà qu'ils vont beaucoup faire parler d'eux. Une manière de liquider la question, dans le meilleur des cas - ou, dans le pire, une manière d'étouffer tout de suite les ambitions des autres. Mais non, heureusement, ça ne fonctionne pas ainsi et il reste des semaines de lecture avant les premières parutions - un mois et demi, très exactement. Cela laisse le temps de découvrir d'autres choses.
En parallèle, Lire a aussi fait ses choix. Le magazine qui fut d'abord dirigé par Bernard Pivot propose les extraits de quinze ouvrages de la rentrée. Le même nombre que Livres Hebdo, mais bien sûr pas dans le même esprit: la publication du Cercle de la Librairie s'adresse surtout aux professionnels tandis que Lire vise un public plus large d'amateurs et de curieux.

Cela n'empêche pas certains recoupements.

Dans le domaine français, les deux magazines ont retenu, personne ne songera à s'en étonner, le 27e roman d'Amélie Nothomb affublé d'un titre qui laisse entendre qu'elle peut vraiment tout se permettre: Les prénoms épicènes (Albin Michel). Il est vrai qu'elle avait déjà soumis à l'attention de ses lectrices et lecteurs fidèles (et soumis) Métaphysique des tubes, entre autres. Je ne suis pas fou de ses romans, c'est le moins qu'on puisse dire mais, comme chaque année, je placerai tous mes espoirs dans celui-ci. Au risque d'être déçu.
Autre membre du petit club serré sur le territoire commun aux deux listes, Yasmina Khadra - dont je comprends encore moins le succès et la réputation inentamée malgré une remarquable absence de qualités dans son écriture. Là non plus, bien entendu, je ne préjugerai pas de sa réussite littéraire ou non (le succès commercial ne m'intéresse pas vraiment) sans avoir lu Khalil (Julliard) qui semble, comme la plupart de ses livres précédents, être bâti sur un, la majuscule s'impose, Sujet - Claro disait là-dessus des choses éclairantes dans sa plus récente chronique du Monde.
On n'attendait pas vraiment Jérôme Ferrari en période de rentrée littéraire, puisqu'il a déjà reçu le Goncourt. Voici pourtant, chez son éditeur habituel (Actes Sud), A son image, titre qui rime (par le sens seulement, mais quand même) avec photographie.
Alain Mabanckou revient à Pointe-Noire dans Les cigognes sont immortelles (Seuil), on espère qu'il aura en même temps retrouvé un peu de la flamme qui l'animait il y a quelques années et qui me semble avoir été, au moins en partie, étouffée par une surproduction récente - encore que, de ce côté, ça ne s'arrange pas vraiment puisqu'il publie quelques semaines plus tard un Miro chez RMN-Grand Palais. [Mais Alain Mabanckou s'étonne de cette annonce, et me dit ne pas publier d'ouvrage sur Miro à la rentrée. Dont acte.]
Elle a toute sa place dans la rentrée littéraire à laquelle elle devrait apporter la lumière de son regard d'écrivaine et la puissance d'évocation des gestes précis d'une décoratrice: Maylis de Kerangal va faire beaucoup parler d'elle, s'il y a une justice sur le terrain de la littérature, avec Un monde à portée de main (Verticales). Oui, je l'ai lu. Oui, je l'ai adoré.

Dans le domaine étranger, Lire et Livres Hebdo se rejoignent sur deux noms, c'est-à-dire qu'ils sont d'accord, au total, à peu près pour la moitié de leurs sélections.
Zadie Smith est l'un d'eux, et j'attends beaucoup de Swing Time (Gallimard) qui confirmera, je l'espère, le talent fou de cette écrivaine saluée, à juste titre, depuis Sourires de loup.
L'autre est un peu plus inattendu, bien que D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds ait été très remarqué il y a trois ans (mais je ne l'ai pas lu). L'Islandais Jon Kalman Stefansson propose cette année Asta (Grasset).

15 - 7 = 8 autres ouvrages que les rédactions ont retenus en restant chacune dans son coin.

Pour Livres Hebdo, c'est, dans l'ordre où ils sont présentés:

  • Christophe Boltanski. Le guetteur (Stock)
  • Philippe Torreton. Jacques à la guerre (Plon)
  • Aurélie Filipetti. Les idéaux (Fayard)
  • Boualem Sansal. Le train d'Erlingen ou La métamorphose de Dieu (Gallimard)
  • Christine Angot. Un tournant de la vie (Flammarion)
  • Dan Chaon. Une douce lueur de malveillance (Albin Michel)
  • Jeffrey Eugenides. Des raisons de se plaindre (L'Olivier)
  • Salman Rushdie. La maison Golden (Actes Sud)

Tandis que Lire a choisi:

  • Serge Joncour. Chien-loup (Flammarion)
  • Jérémy Fel. Helena (Rivages)
  • Emmanuelle Bayamack-Tam. Arcadie (P.O.L.)
  • Adrien Bosc. Capitaine (Stock)
  • Sophie Divry. Trois fois la fin du monde (Noir sur blanc)
  • Anton Beraber. La grande idée (Gallimard)
  • Nicole Krauss. Forêt obscure (L'Olivier)
  • Javier Cercas. Le monarque des ombres (Actes Sud)

jeudi 30 novembre 2017

«Lire» et «Le Point» font leurs choix

Et, à la fin, il en reste de moins en moins (tandis que s'empilent les dizaines, les centaines de livres à paraître en janvier, février, etc., prochains). Les prix littéraires ont réduit la rentrée littéraire à sa portion congrue, les magazines proposent maintenant leurs choix, en particulier Lire dont le palmarès, depuis qu'il est encombré de multiples catégories, est devenu peu lisible, mais c'est ainsi et c'est bien le droit de la rédaction de pratiquer selon sa propre méthode. Méthode qu'on connaît d'ailleurs peu et qui aboutit, en 2017, à un double choix pour le meilleur livre de l'année. Deux traductions, on le note, sans donc oublier de citer les traductrices et traducteur:
  • Karl Ove Knausgaard. Aux confins du monde (Denoël), traduit du norvégien par Marie-Pierre Fiquet
  • Claudio Magris. Classé sans suite (Gallimard, L'Arpenteur), traduit de l'italien par Jean et Marie-Noëlle Pastureau

Dans le domaine de la littérature, le meilleur roman français est Face au Styx, de Dimitri Bortnikov (Rivages); le meilleur roman étranger, Underground Railroad, de Colson Whitehead (Albin Michel), traduit de l'américain par Serge Chauvin; le meilleur récit, Souvenirs de la marée basse, de Chantal Thomas (Seuil); les meilleures révélations, L'avancée de la nuit, de Jakuta Alikavazovic (L'Olivier), et Les fantômes du vieux pays, de Nathan Hill (Gallimard), traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Mathilde Bach; les meilleurs premiers romans, Fief, de David Lopez (Seuil), et Le cœur battant de nos mères, de Britt Bennett (Autrement), traduit de l'américain par Jean Esch; la meilleure autobiographie, Jours barbares, de William Finnegan (Sous-sol), traduit de l'américain par Frank Reichert.
Pour les autres catégories (il en reste dix), je vous renvoie au numéro de Lire qui doit être arrivé ou ne tardera pas à arriver dans votre kiosque préféré, s'il reste un kiosque près de chez vous - il y a aussi des Maisons de la presse - ou à Livres Hebdo qui reprend intégralement la liste.
Le Point ne fait que le tri de la qualité, sans se soucier des étiquettes. Dans ses 25 livres de l'année, on trouve donc Underground Railroad, de Colson Whitehead, à côté de la réédition en poche de La servante écarlate, de Margaret Atwood (Laffont, traduit de l'anglais par Sylviane Rue) - alors que Lire a choisi, comme meilleur livre de SF/Fantasy, par la même romancière, le plus frais C'est le coeur qui lâche en dernier (Laffont, traduit par Michèle Albaret-Maatsch).
On croise des lauréats du Prix Nobel de littérature - Patrick Modiano ou Orhan Pamuk -, des historiens - Patrick Boucheron ou Patrice Gueniffey - et, si vous en voulez davantage, vous trouverez un psychologue (Steven Pinker), un essayiste décédé (Umberto Eco), d'autres écrivains en pagaille...

mardi 15 août 2017

Ce que la rentrée nous prépare (revue de presse)

Je ne vais pas casser l'ambiance tout de suite et tenter de vous décrire l'image fatale des tonnes de romans de la rentrée qui finiront au pilon.
Au pilon, L'Express de cette semaine y verrait peut-être bien trois romans à paraître ces jours-ci - je rappelle que les premiers livres de la rentrée littéraire arrivent demain chez votre libraire (ils y sont déjà, bien entendu, il ne reste qu'à préparer les tables de nouveautés et à les garnir des coups de cœur). Donc, à L'Express, Marianne Payot n'a pas aimé Le jour d'avant, de Sorj Chalandon (Grasset), "fabriqué et archaïque". Jérôme Dupuis a été déçu par Mercy, Mary, Patty, de Lola Lafon (Actes Sud), "un kidnapping littéraire raté à force d'afféteries inutiles". Et Eric Libiot a trouvé que La chambre des époux, d'Eric Reinhardt (Gallimard), était "Un roman répétitif, égotique et vain." Pan!
Dire que j'ai beaucoup aimé le premier et que je me réjouissais de lire les deux autres...
En tête de gondole dans le même hebdomadaire, Femme à la mobylette, d'Eric Seigle (Flammarion), Sucre noir, de Miguel Bonnefoy (Rivages), Frappe-toi le cœur, d'Amélie Nothomb (Albin Michel), La disparition de Josef Mengele, d'Olivier Guez (Grasset), et Comment vivre en héros, de Fabrice Humbert (Gallimard).
Je n'en ai encore lu qu'un (ceux qui me connaissent bien devineront aisément lequel), je l'ai trouvé assez moyen, et j'espère beaucoup des autres.
Pour être complet avant de quitter L'Express, j'ajoute qu'un grand article y est consacré à un ensemble de trois romans liés par leur sujet, l'Algérie française: L'art de perdre, d'Alice Zeniter (Flammarion), Dans l'épaisseur de la chair, de Jean-Marie Blas de Roblès (Zulma), et Un loup pour l'homme, de Brigitte Giraud (Flammarion, bien servi cette semaine).
Aux Inrockuptibles, on a de la suite dans les idées puisque s'y reproduit chaque année une séquence identique: après une couverture "sexe" qui nous dure plusieurs semaines, parce que cela été fatigant de la choisir et qu'il vaut mlieux ensuite partir en congés, la rentrée littéraire est ponctuée d'une couverture "livres". En 2017, c'est Alan Moore, tout seul, pour son volumineux Jérusalem (Inculte), traduit par Claro sans qui nous n'aurions de la littérature anglo-saxonne qu'une très imparfaite image. Sur huit pages, "Le magicien de Northampton" (c'est le titre de l'article) se livre à Nelly Kaprièlan. Et ça commence par un sonore "Fuck!"
Puis vient un choix de quarante romans, pas moins, dans lequel il y aura à puiser, douze extraits des meilleurs livres de l'automne - parmi lesquels, ah! celui de Sorj Chalandon et, hé! hé! celui d'Eric Reinhardt que Lire avait aussi retenu parmi les romans de la rentrée présentés par extraits dans son numéro de juillet-août. Je ne me moque pas de L'Express, je rappelle seulement: les goûts et les couleurs, vous savez...
Dans le cahier critique des Inrockuptibles, le choix est celui des premiers romans: Fief, de David Lopez (Seuil), Le presbytère, d'Ariane Monnier (Lattès), Ostwald, de Thomas Flahaut (L'Olivier), Les fils conducteurs, de Guillaume Poix (Verticales), Demain sans toi, de Baird Harper (Grasset), et Les talons rouges, d'Antoine de Baecque (Stock).
A lire encore, tout ça (et bien d'autres), au contraire du premier roman d'Olivier El Khoury (Surface de réparation, Noir sur blanc). Je le cite un peu parce que je bavardais avec lui hier après-midi (mais vous devrez attendre avant de lire ce que donnera cet entretien), beaucoup parce qu'il est, avec David Lopez déjà cité, l'invité de La Grande table d'été sur France Culture (à 12h45 ou, ensuite, en podcast). J'écouterai ça...

mercredi 14 décembre 2016

Le livre, ça va, ça vient (6)

On se prépare à replier nos petites affaires, à ranger dans des cartons les livres parus en 2016, pour faire de la place au prochain millésime. Mais cette année fait encore de la résistance, puisqu’elle se prolongera au moins jusqu’à la fin de janvier, moment où sera remis le Prix des Deux Magots à un roman de la dernière rentrée littéraire (et non la prochaine) : ceux de Kéthévane Davrichewy (L’autre Joseph, Sabine Wespieser), Frédéric Gros (Possédées, Albin Michel) et Éric Vuillard (14 juillet, Actes Sud) constituent le trio de la dernière sélection.

Mais, avant de ranger les livres lus, ou non lus d’ailleurs, on les orne des lauriers qu’ils ont mérités, ou non. L’heure du bilan permet de faire durer encore quelques titres. Cela se fera tout naturellement pour le deuxième volume de L’amie prodigieuse : Le nouveau nom, d’Elena Ferrante (Gallimard), puisque le troisième arrive presque tout de suite, poussé par le choix de Lire qui a fait du volet paru au début de l’année le meilleur livre de 2016.
Les Inrocks ont élu Salman Rushdie pour Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits (Actes Sud), devant les romans de Leïla Slimani, Jonathan Franzen, Édouard Louis, Nina Yargekov…
Le Parisien, côté romans, a préféré Un paquebot dans les arbres, de Valentine Goby (Actes Sud).
Et l’émission Livrés à domicile, de la RTBF, a sélectionné vingt romans parmi cinquante titres dans diverses catégories, avec en tête de liste (bien que j’ignore si cela a une signification) L’insouciance, de Karine Tuil (Gallimard).

Je me demande pourquoi Le garçon, de Marcus Malte (Zulma), n’est pas mieux mis en évidence dans ces listes pourtant copieuses. La RTBF l’a placé dans ses vingt romans préférés. Le Point, Lire et Les Inrockuptibles l’ont ignoré. Ce qui ne m’interdit pas de le mettre très haut, une demi-marche à peine au-dessus de mon autre livre préféré de l’année, Donc c’est non, le choix de lettres d’Henri Michaux qu’a établi Jean-Luc Outers (Gallimard). Vous avez encore quelques achats à faire ?

vendredi 26 juin 2015

589, le chiffre de la rentrée littéraire

Chaque année, on l'attend à cette période de l'année, il arrive un jeudi, fin juin, à la veille de la sortie du numéro où Livres Hebdo publie son dossier consacré à la rentrée littéraire. Le chiffre, c'est celui du nombre de romans à paraître entre mi-juin et fin octobre. En 2014, c'était 607. En 2015, ce sera 589. Moins, donc. Mais plus qu'en 2013 où on n'en avait dénombré "que" 555. Faut-il tirer des enseignements de cette production légèrement resserrée? Les spécialistes du marc de café y parviennent, jetés dans de longues transes qui leur permettent d'affirmer que le Goncourt sera attribué le mardi 3 novembre. Car leur boule de cristal se compose de trois lettres, WWW comme World Wide Web, et ils sont, comme tout le monde, allés sur le site de l'académie Goncourt vérifier la date, un peu déçus, certes, de n'y avoir pas trouvé déjà le titre du livre qui sera récompensé ce jour-là...
Alors, ils ont courageusement repris les chiffres, pesant au détail le nombre de romans français (393 contre 404 l'année dernière), y mesurant la part de premiers romans (68 contre 75, soit 17,3% contre 18,6%), comptant les traductions (196 contre 203, soit un tiers de la rentrée dans son ensemble en 2015, comme en 2014).
Mais encore? Vont-ils lire, ces amoureux des chiffres? Ou vont-ils attendre les parutions pour se mettre à analyser les premiers résultats des ventes? Un tuyau, à leur intention: Amélie Nothomb ne devrait pas se trouver loin de la première place dans les classements, fin août, avec Le crime du comte Neville (Albin Michel) - bien qu'il s'agisse d'un millésime assez moyen.
A la paresseuse, et parce que je n'ai encore lu que quatre romans de la rentrée (et encore, le quatrième, je ne l'ai pas tout à fait terminé, ce sera pour tout à l'heure - il reste tant de choses appétissantes à lire et qui sont en vente alors que ce n'est évidemment pas le cas des livres à paraître), voici les auteurs et les livres que Livres Hebdo met en évidence, côté français et côté traductions.

Français
  • Mathias Enard. Boussole (Actes Sud)
  • Sorj Chalandon. Profession du père (Grasset)
  • Christine Angot. Un amour impossible (Flammarion)
  • Yasmina Khadra. La dernière nuit du Raïs (Julliard)
  • Carole Martinez. La Terre qui penche (Gallimard)
  • Delphine de Vigan. D'après une histoire vraie (Lattès)
  • Simon Liberati. Eva (Stock)
  • Alain Mabanckou. Petit Piment (Seuil)
  • Amélie Nothomb. Le crime du comte Neville (Albin Michel)
  • Bernard Chambaz. Vladimir Vladimirovitch (Flammarion)

Étrangers
  • Martin Amis. La Zone d'intérêt (Calmann-Lévy)
  • David Grossman. Un cheval entre dans un bar (Seuil)
  • Dinaw Mengestu. Tous nos noms (Albin Michel)
  • Toni Morrison. Délivrances (Bourgois)
  • David Foster Wallace. L'infinie comédie (L'Olivier)

De son côté, le magazine Lire a fait, cette semaine aussi, son choix des 15 romans les plus attendus de la rentrée. Ce sont en partie les mêmes, pour les deux tiers. On retrouve donc Mathias Enard, Sorj Chalandon, Christine Angot, Yasmina Khadra, Carole Martinez, Alain Mabanckou, Amélie Nothomb, David Grossman, Toni Morrison et David Foster Wallace. On y ajoute:
  • Boualem Sansal. 2084. La fin du monde (Gallimard)
  • Alice Zeniter. Juste avant l'oubli (Flammarion/Albin Michel)
  • Richard Powers. Orfeo (Cherche midi)
  • Marosha Pessl. Intérieur nuit (Gallimard)
  • Ryan Gattis. Six jours (Fayard)

De quoi mettre en appétit, non? D'autant que, personnellement, j'aurais bien ajouté quelques titres devant lesquels je salive - mais patience, ça viendra, le moment venu.

jeudi 27 novembre 2014

Le Point et Lire saluent Emmanuel Carrère

Les rédactions du Point et de Lire ont donné, la semaine dernière pour l'une, hier pour l'autre, leur palmarès des meilleurs livres de l'année. Lourde tâche s'il en est. Mais, pour une fois, les deux magazines sont tombés d'accord pour placer, en tête de liste, le roman (roman?) d'Emmanuel Carrère, absent des prix littéraires, Le Royaume. Il me semble que c'est l'ambition du livre qui est ainsi saluée davantage qu'une totale réussite - mais je peux me tromper, influencé par ma propre lecture dont le temps a été partagé entre de grands élans d'enthousiasme et quelques moments d'ennui. Il n'empêche qu'Emmanuel Carrère a donné tout de lui et de son talent dans cet ouvrage qui restera donc, pour les lecteurs du Point et de Lire, comme le sommet de l'année. Une ascension parfois rude, car cela se mérite, un livre comme celui-là.
Avec vingt-cinq titres pour l'hebdomadaire et vingt pour le mensuel, les palmarès offrent évidemment beaucoup d'autres pistes aux lecteurs. Elles se recoupent à d'autres endroits, en une géographie capricieuse et souvent excitante.

Le Point

  • Emmanuel Carrère. Le Royaume (P.O.L.)
  • Paul Veyne. Et dans l'éternité je ne m'ennuierai pas (Albin Michel)
  • Maylis de Kerangal Réparer les vivants (Verticales)
  • Jean d'Ormesson. Comme un chant d'espérance (Héloïse d'Ormesson)
  • Olivier Rolin. Le Météorologue (Seuil)
  • Donna Tartt. Le Chardonneret (Plon)
  • Theodore Zeldin. Les Plaisirs cachés de la vie (Fayard)
  • André Glucksmann. Voltaire contre-attaque (Robert Laffont)
  • James Salter. Et rien d'autre (L'Olivier)
  • Philippe Aghion, Gilbert Cette et Élie Cohen. Changer de modèle (Odile Jacob)
  • Olivier Adam. Peine perdue (Flammarion)
  • Hillary Clinton. Mémoires (Fayard)
  • Kamel Daoud. Meursault, contre-enquête (Actes Sud)
  • Haruki Murakami. L'Incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage (Belfond)
  • Pascal Bruckner. Un bon fils (Grasset)
  • Gérard Depardieu et Lionel Duroy. Ça s'est fait comme ça (XO)
  • Édouard Louis. En finir avec Eddy Bellegueule (Seuil)
  • Philipp Meyer. Le Fils (Albin Michel)
  • Charles-Édouard Bouée, en collaboration avec François Roche. Confucius et les automates (Grasset)
  • Lola Lafon. La petite communiste qui ne souriait jamais (Actes Sud)
  • Anthony Marra. Une constellation de phénomènes vitaux (Lattès)
  • Adrien Bosc. Constellation (Stock)
  • Bénédicte Vergez-Chaignon. Pétain (Perrin)
  • Taiye Selasi. Le Ravissement des innocents (Gallimard)
  • James Ellroy. Extorsion (Rivages)

Lire

  • Meilleur livre : Le Royaume par Emmanuel Carrère (P.O.L)  
  • Meilleur roman étranger : Et rien d'autre par James Salter (L'Olivier)  - Finalistes : Les Réputations par Juan Gabriel Vásquez (Seuil) et Le Chardonneret par Donna Tartt (Plon) 
  • Meilleur roman français : Réparer les vivants par Maylis de Kerangal (Verticales), ex-aequo avec L'Amour et les forêts par Eric Reinhardt (Gallimard) - Finalistes : La Petite Communiste qui ne souriait jamais par Lola Lafon (Actes Sud) et En finir avec Eddy Bellegueule par Edouard Louis (Seuil) 
  • Révélation étrangère : Le Fils par Philipp Meyer (Albin Michel)  - Finalistes : Entre les jours par Andrew Porter (L'Olivier) et Le Tabac Tresniek par Robert Seethaler (Sabine Wespieser)  
  • Révélation française : Les Grands par Sylvain Prudhomme (L'Arbalète/Gallimard) - Finalistes : Si le froid est rude par Olivier Benyahya (Actes Sud) et La Condition pavillonnaire par Sophie Divry (Noir sur Blanc/Notabilia) 
  • Premier roman français : Debout-payé par Gauz (Le Nouvel Attila)  - Finalistes : Dans le jardin de l'ogre par Leïla Slimani (Gallimard) et Tram 83 par Fiston Mwanza Mujila (Métailié) 
  • Premier roman étranger : Notre quelque part par Nii Ayikwei Parkes (Zulma) - Finalistes : Le Ravissement des innocents par Taiye Selasi (Gallimard) et Le Complexe d'Eden Bellwether par Benjamin Wood (Zulma) 
  • Récit : Tristesse de la terre par Eric Vuillard (Actes Sud)  - Finalistes : Le Météorologue par Olivier Rolin (Seuil) et Amour de pierre par Grazyna Jagielska (Les Equateurs) 
  • Polar : Après la guerre par Hervé Le Corre (Rivages) - Finalistes : Ombres et Soleil par Dominique Sylvain (Viviane Hamy) et Un vent de cendres par Sandrine Collette (Denoël) 
  • Roman noir : Une terre d'ombre par Ron Rash (Seuil) - Finalistes : 911 par Shannon Burke (Sonatine) et Ne reste que la violence par Malcolm Mackay (Liana Levi) 
  • Enquête : Extra pure. Voyage dans l'économie de la cocaïne par Roberto Saviano (Gallimard)  - Finalistes : Smart. Enquête sur les internets par Frédéric Martel (Stock) et Une si jolie petite fille par Gitta Sereny (Plein Jour) 
  • Biographie : Fouché. Les silences de la pieuvre par Emmanuel de Waresquiel (Tallandier/Fayard)  - Finalistes : Jules Ferry par Mona Ozouf (Gallimard) et Notre Chanel par Jean Lebrun (Bleu autour) 
  • Histoire : Le Feu aux poudres. Qui a déclenché la guerre en 1914 ? par Gerd Krumeich (Belin)  - Finalistes : La Chute de Rome par Bryan Ward-Perkins (Alma) et Dictionnaire amoureux de la Résistance par Gilles Perrault (Plon/Fayard) 
  • Autobiographie : Et dans l'éternité je ne m'ennuierai pas par Paul Veyne (Albin Michel) - Finalistes : Un homme amoureux par Karl Ove Knausgaard (Denoël) et Les Feux de Saint-Elme par Daniel Cordier (Gallimard) 
  • Sciences : Le Code de la conscience par Stanislas Dehaene (Odile Jacob)  - Finalistes : Plaidoyer pour la forêt tropicale par Francis Hallé (Actes Sud) et Pasteur et Koch par Annick Perrot & Maxime Schwartz (Odile Jacob) 
  • Voyage : Les Oies des neigespar William Fiennes (Hoëbeke) - Finalistes : Pô, le roman d'un fleuve par Paolo Rumiz (Hoëbeke) et L'Oural en plein coeur par Astrid Wendlandt (Albin Michel) 
  • BD : La Technique du périnée par Ruppert & Mulot (Dupuis/Aire Libre) - Finalistes : L'Arabe du futur par Riad Sattouf (Allary Editions) et Moi, assassin par Antonio Altarriba & Keko (Denoël Graphic) 
  • Jeunesse : Adam et Thomas par Aharon Appelfeld (L'Ecole des loisirs) - Finalistes : Humains par Matt Haig (Hélium) et Le livre de Perle par Timothée de Fombelle (Gallimard jeunesse) 
  • Livre audio : Eloge de l'ombre par Junichirô Tanizaki, lu par Angelin Preljocaj (Naïve) - Finalistes : L'Insoutenable Légèreté de l'être par Milan Kundera, lu par Raphaël Enthoven (Gallimard) et Une femme aimée par Andreï Makine, lu par Bertrand Suarez-Pazos (Thélème)

jeudi 28 novembre 2013

Les meilleurs livres de l'année selon "Lire" et "Le Point"

Le mois de novembre n'est pas encore terminé qu'on en est déjà à faire le bilan de 2013. N'est-ce pas prématuré? En fait, pas vraiment: la littérature générale n'est pas du genre à envahir les librairies avec des nouveautés. On lit ce qui est paru dans les onze premiers mois - moins juillet, calme aussi dans le domaine, ce qui fait dix mois, avec un décalage souvent important vers la deuxième partie de l'année, la rentrée d'août-septembre et les prix littéraires.
Donc, Lire vient de choisir ses 20 préférés, et Le Point a fait pareil pour 25 titres, ce qui ne donne pas les mêmes résultats. je vous en laisse juges.

Lire
  • Meilleur livre de l’année : Svetlana Alexievitch, La fin de l’homme rouge (Actes Sud)
  • Roman français : Pierre Lemaitre, Au revoir là-haut (Albin Michel)
  • Roman étranger : Joyce Carol Oates, Mudwoman (Philippe Rey)
  • Premier roman étranger : Kevin Powers, Yellow Birds (Stock)
  • Révélation roman français : Delphine Coulin, Voir du pays (Grasset)
  • Nouvelles : Franck Bill, Chiennes de vie (Série Noire/Gallimard)
  • Premier roman français : Loïc Merle, L’esprit de l’ivresse (Actes Sud)
  • Voyage : Philippe Rahmy, Béton armé (La Table Ronde)
  • Fantastique / anticipation : Stephen King, Docteur Sleep (Albin Michel)
  • Autobiographie : Edna O’Brien, Fille de la campagne (Sabine Wespieser)
  • Découverte / étranger : Troy Blacklaws, Un monde beau, fou et cruel (Flammarion)
  • Polar : James Sallis, Le tueur se meurt (Rivages)
  • Histoire: Stephen Greenblatt, Quattrocento (Flammarion)
  • Biographie : Michel Winock, Flaubert (Gallimard)
  • Essai : Jared Diamond, Le monde jusqu’à hier (Gallimard)
  • Sciences : Etienne Klein, En cherchant Majonara (Editions des Equateurs)
  • BD : Chloé Cruchaudet, Mauvais genre (Delcourt)
  • Audio : Jean-Christophe Rufin, Immortelle randonnée lu par Vincent Schmitt (Audiolib)
  • Jeunesse : Pam Munoz Ryan, Le rêveur, traduit de l’anglais par Pascale Houssin, ill. Peter Sis (Bayard)
  • Gastronomie : Gérald Passédat, Des abysses à la lumière (Flammarion)


Le Point
  • Jaume Cabré, Confiteor (Actes Sud)
  • Jean d’Ormesson, Un jour, je m’en irai sans en avoir tout dit (Laffont)
  • Richard Ford, Canada (L’Olivier)
  • Mathieu Ricard, Plaidoyer pour l’altruisme (Laffont)
  • Pierre Lemaitre, Au revoir là-haut (Albin Michel)
  • Yasmina Reza, Heureux les heureux (Flammarion)
  • Alain Corbin, La douceur de l’ombre (Fayard)
  • Jean-Marc Roberts, Deux vies valent mieux qu’une (Flammarion)
  • Patrice Gueniffey, Bonaparte (Gallimard)
  • Philippe Jaenada, Sulak (Julliard)
  • Sandro Veronesi, XY (Grasset)
  • Jean-Christophe Rufin, Immortelle randonnée (Guérin)
  • Céline Minard, Faillir être tué (Rivages)
  • John Le Carré, Une vérité si délicate (Seuil)
  • Alain Finkielkraut, L’identité malheureuse (Stock)
  • Emmanuèle Bernheim, Tout s’est bien passé (Gallimard)
  • David Malouf, Une rançon (Albin Michel)
  • Karine Tuil, L’invention de nos vies (Grasset)
  • Peter Longerich, Goebbels (Héloïse d’Ormesson)
  • Hugo Boris, Trois grands fauves (Belfond)
  • Achille Mbembe,  Critique de la raison nègre (La Découverte)
  • Hilary Mantel, Dans l’ombre des Tudors 1. Le conseiller (Sonatine)
  • Antoine Compagnon, Un été avec Montaigne (Equateurs/France Inter)
  • Monica Sabolo, Tout cela n’a rien à voir avec moi (Lattès)
  • Ismet Prcic, California Dream (Les Escales)

Si vous êtes très sages, je vous donnerai les miens un de ces jours - mais il faut d'abord que je me réunisse avec moi-même parce que c'est sérieux, un jury d'une personne, et surtout que je lise encore deux ou trois choses...

vendredi 30 novembre 2012

Au sommet du palmarès de "Lire", un premier roman

C'était arrivé en 2006, avec un livre que je n'aurais, pour ma part, pas placé aussi haut: Les Bienveillantes, de Jonathan Littell, avait été choisi par la rédaction de Lire comme meilleur livre de l'année, toutes catégories confondues. Donald Ray Pollock, lui aussi, arrive en tête de ce palmarès annuel avec un premier roman, Le diable, tout le temps. Je ne l'ai malheureusement pas lu mais je connais au moins une personne que cela va réjouir...
Le choix du roman de Joël Dicker comme meilleur roman français de l'année a, en tout cas, tout pour me plaire. Il me donne à penser que les pisse-froid pour lesquels il s'agit à peine d'un livre ont vraiment tort de snober le souffle étonnant du jeune écrivain suisse le plus médiatisé de la saison.
Deux autres bonnes raisons d'applaudir à ce palmarès dans lequel, cependant, il me reste bien des choses à découvrir: Caryl Ferey auteur du meilleur roman policier avec Mapuche et Paul Fournel, du meilleur livre de sport avec Anquetil tout seul, voilà des choix qui auraient probablement été les miens aussi.

  • Meilleur livre de l’année : Le diable, tout le temps, Donald Ray Pollock, Albin Michel
  • Roman français : La vérité sur l'affaire Harry Quebert, Joël Dicker, de Fallois/L'Age d'homme 
  • Roman étranger : Dans la grande nuit des temps, Antonio Munoz Molina, Seuil
  • Roman policier : Mapuche, Caryl Ferey, Gallimard
  • Essai : Les gauches françaises/1762-2012. Histoire, politique et imaginaire, Jacques Julliard, Flammarion 
  • Découverte roman étranger : Certaines n’avaient jamais vu la mer, Julie Otsuka, Phébus  
  • Autobiographie : La nacre et le rocher, Robert Misrahi, Encre marine  
  • Biographie d’écrivain : Chateaubriand, Jean-Claude Berchet, Gallimard
  • Histoire : Congo, David van Reybrouck, Actes Sud
  • Classique/Redécouverte : Autobiographie, Mark Twain, Tristam
  • Premier roman étranger : Un concours de circonstances, Amy Waldman, L’Olivier
  • Sortis du purgatoire : Joyeux, fais ton fourbi, Julien Blanc, Finitude
  • Livre audio : Les mémoires d’outre-tombe, de F.-R. de Chateaubriand. Par Daniel Mesguich, Frémeaux & Associés (4 CD)
  • Découverte - Roman français : Quel trésor ! Gaspard-Marie Janvier, Fayard
  • Nouvelles Etranger : Le lanceur de couteaux, Steven Milhauser, Albin Michel
  • Premier roman français : Les Sauvages, t.1 et t.2, Sabri Louatha, Flammarion
  • Jeunesse : Les trois vies d’Antoine Anarchasis, Alex Cousseau, Le Rouergue 
  • BD : Un printemps à Tchernobyl, Emmanuel Lepage, Futuropolis 
  • Sport : Anquetil tout seul, Paul Fournel, Seuil   
  • Science : Dans le secret des êtres vivants, Nicole Le Douarin, Robert Laffont