lundi 23 avril 2012

La balade sentimentale d'Yves Simon

Il prend le volant et part, sans but. Un tour de périphérique pour décider d’une orientation, et cap au sud. La voiture lui ressemble : elle a vieilli. Elle n’est pas de son temps, n’accepte pas l’essence sans plomb, ce qui conduit à des mélanges hasardeux. Elle ne fera pas tout le voyage, volée une nuit à Avignon. « Bon débarras ! » Le voyageur s’en trouve plus léger d’un souvenir encombrant – acheté à S.G. (Serge Gainsbourg), dont la présence se prolonge ici, de manière plus intemporelle.
Avant d’évoquer la voiture, le narrateur a parlé de lui-même : « Léonie était jeune et moi qui vieillissais », première ligne de La compagnie des femmes où Yves Simon se met tout entier, malgré le masque, fournit les raisons d’un voyage qui ressemble à une sortie. Une fausse sortie, en espérant que Léonie le retienne…
« A part me perdre, j’avais en tête quelques projets. Rien de précis d’ailleurs. Mon éditeur m’avait demandé il y a quelques semaines de réfléchir à une autobiographie. Je pensai qu’il me croyait déjà au bord de la tombe ». Qu’importe : surgis du passé, des souvenirs éclairent la route d’aujourd’hui. Un ami suicidé pour avoir « perdu le monde », une dame qui préparait ses repas quand il terminait d’écrire Océans, son cinquième roman, des chambres d’hôtels qui ressemblent à d’autres chambres d’hôtels… Et, surgis dans le présent par hasard, de nouvelles rencontres entretiennent le mouvement. La plus émouvante : celle d’un jeune homme qui part reconnaître le corps de son père à Nice, et que le narrateur accompagne.
Tandis qu’au loin Léonie envoie des messages où elle dit qu’il lui manque, avant de se lasser, le romancier continue à « ne surfer que sur l’écume des choses, là où se situe le plus souvent l’essentiel de nos sentiments et de nos actions… »
De cette balade sentimentale, on retiendra des moments juxtaposés au fil des jours, des plongées en soi pour évacuer des ombres, des paysages accordés aux émotions. Puis les événements se précipitent, la faille se creuse, l’écume des choses est rattrapée par la réalité. Il reste quelques pages pour en sortir.

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