Jusqu’après la moitié de son roman, Les petits, Christine Angot semble pour une fois avoir abandonné
l’autofiction au profit d’une narration extérieure à ses personnages :
Billy, le chanteur originaire de Martinique ; Hélène, sa femme ; et
Chloé, sa maîtresse. A l’évidence, aucun des trois n’est l’écrivaine et le
« je » n’intervient que dans les dialogues. Et tout à coup survient,
hors de ces dialogues, une phrase troublante : « Après un concert à Montreuil, qui se termine plus tard que
prévu, il m’emprunte mon téléphone »… C’est reparti, avec des nœuds de
désir amoureux aussi complexes à défaire que dans ses livres précédents. Et
avec, parce qu’il faut bien justifier le titre, une place importante accordée
aux enfants, victimes des comportements et des emportements adultes. Victimes
peut-être aussi, comme leur mère, du livre qui s’écrit pendant que Billy et
Hélène, dont le prénom disparaît dans les dernières pages pour n’être plus que
« elle », divorcent : « J’ai
pensé que c’était de ma faute. Que c’était à cause du livre, que je l’avais
tuée. Comme après la sortie de L’Inceste
quand mon père est mort. »
Même s’il était vrai que les bons sentiments font de la
mauvaise littérature, retourner la proposition ne suffirait pas à donner la
recette d’un excellent livre. Christine Angot pratique un style d’une telle
platitude qu’on en viendrait presque à l’admirer, par moments, pour la rigueur
avec laquelle elle s’y tient. Mais il faudrait résister à l’irritation suscitée
par une suite monotone et sans rythme de propositions juxtaposées comme au
petit bonheur la chance. Il ne s’agit pas d’une écriture blanche, qui peut
avoir son charme, mais plutôt d’une écriture transparente. Aucun goût, aucune
saveur… La lassitude guette, d’autant que l’argument n’est pas assez
convaincant pour emporter l’adhésion.
Bien sûr, tout ce qui vient d’être dit peut être inversé,
pour peu qu’on soit sensible à la manière particulière que Christine Angot a
faite sienne depuis longtemps. Après tout, si elle continue à avoir des
lecteurs, c’est probablement que ceux-ci apprécient. Je ne veux pas croire
seulement à des mauvaises raisons – le scandale toujours plus ou moins présent
dans les livres ou autour d’eux, la part de provocation dans sa façon
d’afficher la vie privée, y compris celle des autres…
On me rétorquera aussi qu’elle aborde de front des sujets de
société qui méritent leur place dans des romans. Les enfants, dont j'ai
déjà parlé, les déchirements du couple, rarement ignorés par la littérature, l’importance
prise par une religion – ici, le bouddhisme – dans l’éloignement croissant
entre un homme une femme, etc.
Mais donner naissance à une œuvre de création, c’est autre chose. Un
objectif qui n’est pas atteint.
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