Le bien et le mal sont à l’œuvre dans le nouveau roman de
Marc Dugain. La lutte entre anges et démons reprend du service, avec
l’innocence pour enjeu. Les vieux schémas ont du bon : les points de
repère sont connus depuis toujours, seul le cadre géographique et temporal varie.
Cette fois, nous sommes en Allemagne, au moment où le régime nazi vacille, dans
une région occupée par l’armée française. Pour être précis, L’insomnie des étoiles commence un peu
avant cette occupation, dans une ferme isolée encerclée de terrains spongieux.
La jeune Maria, plus tout à fait une enfant, pas encore vraiment une femme, y
vit seule, nourrie de pauvres provisions qu’elle fait durer : deux pommes
de terre et un oignon chaque jour, crus quand elle n’arrive pas à allumer un
feu. Pour ce qu’elle en sait, sa mère est morte et son père est sur le front
russe. Elle craint la violence des hommes qui sont venus pour emporter les
meubles et tout ce qui pouvait servir. Elle se cache, assiste à un meurtre…
On en est là quand la victoire alliée se dessine et qu’elle
est trouvée puis emmenée par des soldats français. Leur regard n’est pas
différent de celui des Allemands. Maria est prête à quelques concessions,
pourvu qu’on lui lise les lettres de son père qu’elle est devenue incapable de
déchiffrer depuis qu’elle a perdu ses lunettes.
Survient alors le capitaine Louyre, en charge du canton. Astronome
de profession, moins familier des ordres que des étoiles, son commandement lui
pèse. Maria et les restes humains qu’elle a cachés dans la ferme lui semblent
un mystère aussi profond que celui des galaxies, et digne de son intérêt.
L’enquête qu’il mènera, et qui débouchera sur de surprenantes révélations, ne
pourra bien sûr intéresser que lui. C’est bien assez à ses yeux pour placer un
homme face à ses crimes et redresser, si peu que ce soit, l’équilibre du monde.
Louyre ne juge pas. Il connaît trop sa propre fragilité. Mais il ne
s’interdit pas le dégoût. Et sa terrible lucidité, exercée sur les autres comme
sur lui-même, traverse les apparences pour creuser jusqu’aux racines du mal.
Sans doute se défendrait-il de représenter le bien si quelqu’un le lui
affirmait. C’est pourtant bien cette figure qu’il incarne, presque malgré lui.
Marc Dugain en a fait un héros ordinaire, fidèle au fond à la ligne de faîte de
son œuvre romanesque : chercher l’au-delà de l’homme, à moins que ce soit
l’en deçà, puisque les deux se rejoignent souvent quand ils sont constitutifs
d’un personnage.
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