George Washington Crosby a encore huit jours à vivre. Il commence à avoir des hallucinations. Les deux informations, les premières fournies par Paul Harding dans Les foudroyés, sont riches de possibilités que l’écrivain se charge d’exploiter. Son premier roman lui a valu une célébrité immédiate. Et justifiée. Publié par une petite maison d’édition, il a obtenu le prix Pulitzer, couronnement précoce qui rassure sur les goûts d’un milieu littéraire américain que l’on dit souvent (le plus souvent par conformisme) peu sensible à la nouveauté, davantage porté à goûter la construction sans failles d’un récit que la vision originale d’un créateur.
En une semaine, George nous balade dans son passé. Il revoit notamment son père, Howard, sujet à des crises d’épilepsie, foudroyé comme l’est maintenant son fils, traversant les paysages et les époques en posant son empreinte sur une mémoire d’où ressortent maintenant des scènes qui semblaient effacées par le temps. Au lieu de quoi, elles se sont imprimées assez profondément pour paraître contemporaines de l’agonie de Georges, aussi neuves qu’à l’instant où elles se sont produites.
Dans le désordre de rapprochements soudains, parfois incongrus, les gestes d’autrefois retrouvent leur sens. En particulier ceux qu’accomplissait George quand il était horloger. Les mécaniques de précision qu’il faisait revivre lui échappent à présent, les pièces s’éparpillent à la manière dont son esprit bat aujourd’hui la campagne. L’univers est une grande roue complexe où des grincements se font entendre, douloureux pour ceux qui les perçoivent et auxquels les autres, la plupart, restent indifférents. L’indifférence qui interdit de percevoir, au milieu des grincements, des moments d’harmonie parfaite…
Sur la grandeur et la petitesse des hommes, Paul Harding n’enseigne rien. Il se contente de restituer les tressaillements qui en dessinent les contours, et de planter ses flèches aux endroits où elles vibreront le plus longtemps. La réussite de son livre tient à la manière dont il s’approche et s’éloigne, examinant tantôt un détail, tantôt une perspective plus large. Et son mouvement accompagne celui des personnages principaux, qui sont parfois enfermés en eux-mêmes pour en jaillir l’instant d’après avec la force d’un éclair qui brûle et réveille.
Les foudroyés est plein d’une imagination galopante qui échappe puis qu’on rattrape comme on se rétablit sur une barre. Elle est placée très haut, cette barre.
C'est une très bonne critique qui me donne vraiment envie de découvrir cette oeuvre! Ce ne sera hélas pas pour tout de suite car ma PAL est monstrueuse et m'oblige parfois à certaines procrastinations proustiennes... Je suis moi aussi un fou de lecture (une vingtaine de livres par mois) mais la somme des livres à lire est toujours supérieure à ma capacité à les dévorer...
RépondreSupprimerPareil pour moi, malgré beaucoup plus de vingt livres par mois... Je pense sans cesse à ce que je n'ai pas le temps de lire!
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