mercredi 18 avril 2012

Les romans durs de Simenon, 1941-1944

Suite (et pas fin) d'un parcours par étapes dans la part la plus volumineuse de l’œuvre de Georges Simenon - douze volumes pour les romans durs contre dix de Maigret. Aujourd'hui, le tome 5.

Le fils Cardinaud
Parmi ses frères, Hubert est le seul qu'on appelle Le fils Cardinaud aux Sables-d'Olonne. Il est sorti du rang, assume naïvement la fierté de son statut social: employé de M. Mandine, assureur, mais presque associé, la promesse lui en a été faite souvent et il s'y voit déjà. Il aime sa femme Marthe, couve ses deux enfants d'une affection sans limites. Dans six ans, quand il aura fini de payer les traites, il sera même propriétaire de sa maison.
Ce dimanche matin-là, tout s'est passé comme d'habitude: la messe dont il connaît bien les rites pour avoir été autrefois enfant de chœur (comme le fut Simenon); l'arrêt à une terrasse, un vermouth pour lui, un sirop de groseille pour son fils Jean ; la pâtisserie achetée aux demoiselles Dufour, et une madeleine en cadeau pour Jean; puis le retour à la maison où Marthe a dû préparer le repas.
Mais, ce dimanche matin-là, les habitudes en prennent un sacré coup: dans le four, le rôti est brûlé. Ni Marthe ni le bébé ne sont là... Celui-ci est chez une voisine à qui Marthe l'a confié jusqu'au retour d'Hubert, sans autre explication. Hubert s'agite, passe chez ses beaux-parents qui n'ont pas vu son épouse, chez ses parents qui n'en savent pas davantage mais comprennent vite, à entendre la première question de la mère:
«Ta femme est partie?»
Une question qui vaut une affirmation, et qui oblige Hubert à voir la réalité en face: non seulement Marthe est partie mais en outre elle a emporté les trois mille francs mis de côté pour payer la traite mensuelle de la maison. Un monde s'écroule, qu'il faut étayer en parant au plus pressé. Engager quelqu'un pour s'occuper des enfants. Emprunter de l'argent à son patron, qui refuse dans un premier temps avant d'accepter le lendemain quand la rumeur, qui court vite, est arrivée jusqu'à lui.
Ne comprenant rien à ce qui lui tombe dessus, Hubert refuse sa nouvelle situation. Il se met en tête de retrouver Marthe pour la ramener à la maison. Le voici sur la piste d'un aventurier dont la vie, apprend-il, a déjà croisé celle de sa femme. Hubert s'obstine, interroge, enquête. Il côtoie des voyous, sans s'en émouvoir. Et accepte quelques accommodements avec sa morale, toujours dans le même but: rendre à Marthe le sens du droit chemin.
Le roman est bâti sur un paradoxe: le fils Cardinaud lutte pour restaurer chez lui un ordre petit-bourgeois peu enthousiasmant. Pourtant, il n'y parvient qu'en montrant une grandeur d'âme peu commune.

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