Pour défendre notre vie et nos biens
La situation tragique
de l’Europe, mise en feu par la criminelle agression de l’Allemagne, vient d’inspirer
au grand poète anglais Rudyard Kipling la magnifique poésie suivante, dont nous
sommes heureux de pouvoir donner la primeur aux lecteurs français.
Pour défendre
notre vie et nos biens,
Pour défendre
les destinées de nos enfants,
Debout !
et faisons face à l’ennemi,
Car les Huns
sont à nos portes.
Le monde que
nous connaissions hier n’est plus,
Un caprice
cruel l’a réduit en poussière ;
Rien ne
subsiste aujourd’hui
Que le fer,
le feu, la pierre.
Même si
toutes les choses accoutumées disparaissaient,
Les antiques
préceptes nous diraient encore :
« Gardez
le courage en vos cœurs,
Levez sur l’ennemi
un bras vigoureux. »
Une fois de
plus retentissent les paroles
Qui jadis
firent frémir l’univers :
« Il n’est
plus d’autre loi que l’épée
Dégainée et
frappant sans trêve, » –
Une fois de
plus ces paroles rapprochent tous les hommes,
Une fois de
plus les nations s’unissent
Pour lier et
réduire à l’impuissance
Un ennemi
furieux, excité au carnage.
Bien-être,
paix du cœur, plaisir,
Tous ces
gains, lentement amassés au cours des âges,
Une nuit les
a vus se flétrir en leur fleur ;
Maintenant,
nous restons seuls debout,
Regardant
devant nous les jours désolés,
Mais sachant
nous taire et ne pas faiblir
Malgré les
douleurs et les angoisses
Sans cesse
renouvelées.
Même si l’œuvre
de nos mains devait être anéantie,
Les antiques
préceptes nous diraient encore :
« Gardez
la patience en vos cœurs,
Levez sur l’ennemi
un bras vigoureux. »
Ni les
espoirs faciles ni le mensonge
Ne nous
achemineront vers notre but,
Mais l’entier,
le dur sacrifice
De nos vies,
de nos vouloirs et de nos âmes.
Nous n’avons
tous qu’une unique tâche,
Nous avons
tous une vie à donner.
Qui donc
resterait debout si la liberté devait périr,
Qui mourra,
si l’Angleterre vit éternelle ?
Rudyard Kipling.
Août 1914.
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