Dans Cherchez la femme, Alice Ferney décape à petits gestes précis,
répétés autant de fois que nécessaire en variant l’angle d’attaque, la peinture
superficielle qui couvre la matière brute. Ensuite elle examine avec attention
de quoi est faite cette vérité intérieure, quelles sont ses failles, et elle
trouve en Serge, par exemple, « un
usurpateur talentueux » capable « de
parler de livres qu’il n’avait pas lus, d’en signer qu’il n’avait pas écrits,
et d’amplifier les mesures de sa réussite. » Ses parents ont convaincu
Serge qu’il était un génie, il n’a éprouvé aucune difficulté à l’accepter et,
toute sa vie, porte comme un drapeau la conviction d’être parfait. Jusque dans
une vie de couple où il laisse pourtant toute la responsabilité à Marianne. Il
suffit à Serge de dire qu’ils sont heureux pour croire qu’ils le sont. Pendant
que, dessous, sous la peinture, macèrent des sentiments jamais exprimés – sinon
par la romancière – qui doivent, un jour ou l’autre, conduire à la catastrophe.
L’autopsie de la relation
commence avec les parents de Serge : Vladimir Korol, l’ingénieur des
mines, tombé amoureux d’une poitrine juvénile. Il joue de l’accordéon dans
l’orchestre et Nina Javorsky, quinze ans et demi, danse. Ou plutôt dansotte, mais Vladimir ne rêve que de
ses seins et, par conséquent, tout le reste est parfait. Serge et, dans une
moindre mesure, Marianne, sont les produits de leur éducation, de
l’environnement complexe où ils ont grandi sous la pression et les attentes de
leurs parents.
Alice Ferney ne tombe pas dans l’explication
psychologique simpliste. Elle décrit comment se monte et se démonte une famille
– Serge et Marianne auront trois enfants. Dans le déni de la réalité, au moins
pour ce cas précis car la romancière se garde bien de généraliser. Concentrée
sur son sujet qu’elle semble capable de creuser sans fin, elle nous fait
éprouver la sensation du temps qui passe et de ce qui, avec lui, se défait. « Ce qui vient est rarement ce qu’on
attend. »
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