Je reprends, exceptionnellement, une note publiée simultanément dans mon autre blog, Actualité culturelle malgache. Littérature sans frontières...
La Mauricienne Shenaz Patel a publié, cette année, Paradis Blues, un texte bref et percutant. Elle est surtout connue pour son roman, Le silence des Chagos, paru en 2005. On ne peut évidemment la réduire à ces deux livres et une occasion est donnée aux Tananariviens (ou aux curieux de passage) de la découvrir mieux ce samedi 25 octobre à 10 heures à l'Institut français de Madagascar lors d'une rencontre animée par Magali Marson. En attendant ce rendez-vous, et en guise de préparation, quelques mots sur les deux ouvrages cités...
Parmi les épisodes silencieux de l’histoire des hommes, ces épisodes dont on ne parle guère et qui font à peine la matière de quelques notes en bas de page dans de rares livres, le destin des anciens habitants de Diego Garcia mériterait une attention plus soutenue.
Dans les années 1960, l’île Maurice, jusqu’alors possession britannique avec quelques autres îles de l’océan Indien, dont Diego Garcia (pourtant située à 2000 kilomètres de Maurice), dans l’archipel des Chagos, se préparait à l’indépendance. Les Américains passèrent un accord avec les futurs ex-propriétaires afin d’installer à Diego Garcia une base militaire qui a, depuis, beaucoup servi. Il y avait un problème : l’île n’était pas déserte et ses habitants encombraient. Problème résolu avec plus de volonté que de diplomatie : le dernier voyage du bateau qui ravitaillait les îliens servit à les éloigner d’un lieu destiné à un usage plus rationnel. Car, enfin, a-t-on idée de laisser prospérer, sur une petite terre dont la géopolitique a décidé de l’importance, une population qui pouvait se contenter de pêche et de cueillette pour vivre simplement ?
De cette déportation collective et pourtant contemporaine, la Mauricienne Shenaz Patel a fait un roman dans lequel les faits ne sont présents qu’en filigrane – mais sont présents, avec indignation. Elle s’attache plutôt à quelques figures dont elle retrace la déchéance imposée par les grands stratèges qui ne se soucient évidemment pas des individus. Parmi elles, Charlesia est une égarée, attachée au port où elle avait débarqué comme par un cordon dont elle seule ne sait pas qu’il est rompu depuis longtemps.
Le silence des Chagos enferme, dans de subtiles vibrations, tout ce qu’on ne dit pas, ou peu, sur le sujet. Traduit les colères rentrées et les désirs essoufflés. Le retour vers Diego Garcia est presque impossible, cela n’empêche pas d’y rêver encore et toujours. De faire vivre en soi le souvenir. Et peut-être même de le transmettre, pour que d’autres, plus tard, réussissent à retourner sur la terre des ancêtres.
Mais les Américains ont signé, en 1966, pour cinquante ans. Et leur « bail » est renouvelable vingt ans…
Les pays tropicaux n’apportent pas toujours le bonheur à ceux qui y vivent. Moins encore aux femmes. Celle-ci raconte une existence de contraintes. La famille, le couple, le travail, tout passe à la moulinette du désespoir. Certaines cherchent des contacts en Europe. La narratrice ne compte que sur elle-même pour sortir de la cage où la société l’a enfermée. Une écrivaine mauricienne dit l’envers du paradis que les touristes voient dans son île.
Merci, Pierre, pour ce compte-rendu, ce ressenti!
RépondreSupprimer