Méfiez-vous d’un Babylone dream signé Nadine Monfils, dont on connaît depuis les débuts la
propension à blesser les petites filles perverses. Elle n’oublie
jamais que les roses ont des épines. Que le cauchemar est encore et
malgré tout un rêve. Que la passion se décline aussi en lettres de
feu et de sang.
Son roman s’ouvre sur une
première phrase dont la poésie n’est pas absente et qui prélude
à une scène de boucherie : « Le voile de la mariée
gisait, déchiqueté, sur le sol ensanglanté, comme les ailes d’un
goéland qui se serait fracassé contre un rocher. » Il ne
faut que quelques lignes pour oublier la poésie et découvrir
l’ampleur du carnage par les yeux de l’inspecteur Lynch. Il
croyait en avoir vu d’autres et découvre une dimension inédite de
l’horreur. Nous aussi.
D’autant que la cruauté du double
meurtre semble n’avoir aucun sens : les bras coupés de la
jeune femme et son corps déchiqueté par une grenade sous le regard
de son mari tué après elle… La mise en scène doit cependant
forcément correspondre à quelque chose. Peut-être la « profiler »
Nicki, aux méthodes peu conventionnelles, sera-t-elle capable de
comprendre grâce à sa réceptivité aux « ondes »
émises sur les lieux d’un crime.
Peu conventionnels, les autres
personnages le sont aussi, qui constituent une galerie de portraits
plus surprenants les uns que les autres. A commencer par le
commissaire Lynch lui-même, célibataire presque endurci qui trouve
le réconfort entre les bras d’une fidèle prostituée, Coco.
Celle-ci est amoureuse d’un chauffeur de taxi dont elle ne connaît
pas le nom. Elle réconforte aussi, c’est son métier, l’adjoint
de Lynch, quitté par sa femme. Et amoureux d’une autre… dont il
ne connaît pas le nom. Tandis que sa femme de ménage connaît,
étrangement, le nom du chat trouvé dans la maison des premiers
crimes. Il y en aura d’autres, presque pareils. Dans un affolement
croissant devant les pièces d’un puzzle qui tardent à se mettre
en place.
La construction du récit n’est pas
le meilleur de Babylone dream. Elle est presque transparente.
Nadine Monfils a d’autres arguments, puisés dans son univers
romanesque. Ainsi, elle a conservé tout son goût pour la
fantaisie : les rats sont sacrés à Pandore, la ville où se
passe le livre ; les prémonitions d’une vieille font froid
dans le dos ; il y a des marguerites accrochées à un plafond…
Ces échappées sont brèves,
rapidement réprimées par l’inquiétude qui sourd d’un mystère
pesant. Fildefériste en équilibre instable entre l’excès de
merveilleux et de tragique, la romancière fait un pas de danse,
salue le public auquel elle lance des bonbons acidulés de toutes les
couleurs et sort sur un dernier coup de théâtre.
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