L'année dernière, Bernard Tirtiaux a publié deux ouvrages à la fois: un roman, Prélude de cristal, et un recueil de poèmes, Lueurs. Le premier titre vient de reparaître au format de poche, j'en profite pour reprendre, dans l'échange que nous avions eu à l'époque, tout ce qui concerne le roman. La plus grande partie, en fait.
Verrier,
écrivain, homme de spectacle… Y a-t-il une hiérarchie entre ces différentes
activités ?
Qu’il s’agisse de verre, d’écriture, de spectacle, chaque activité est
cheminement d’une envie de montrer voir, de dire, de communiquer. Au fond, je
fais mon marché entre ces véhicules divers, ces canaux différents pour partager
au mieux ce que j’ai à partager. Je n’ai pas une impression d’éparpillement en
procédant de la sorte. Au contraire, mes activités se sont toujours nourries
entre elles. Ma poésie, mes romans ont pris corps dans mon atelier pendant les
attributions de couleurs, la découpe où le montage des verres en vitraux. En
réponse, chaque roman à été un tournant dans l’évolution de mon travail autour
du verre et de la lumière. Le passeur de lumière m’a conduit vers la sculpture, Les sept couleurs du vent vers la création d’instruments de verre, Aubertin
d’Avalon vers le cristal, etc.
L’alliance de
la lumière et de la musique est-elle de celles qui vous séduisent
particulièrement ?
Mes spectacles dont je conçois et construis les décors sont réceptacles
de mes passions, générés par elles. Ils répondent à un besoin qui m’est vital d’entrer
en partage avec l’humain, le public, de rompre avec la solitude de l’atelier et
de l’écritoire pour aller au feu. Musique, poésie et lumière font partie du
même tiroir dans ma tète. Pour moi, l’un ne va pas sans l’autre. J’ai une gamme
de tons, un nuancier et la réflexion d’un vitrail sur un mur chante à mes yeux.
Roman d’amour,
roman d’aventures, social en Belgique et sociétal en Amérique, Prélude de
cristal est d’abord le roman d’une femme. Quelle difficulté particulière y
a-t-il eu à épouser sa voix et ses émotions ?
Le roman cherche à prendre corps, donner vie aux choses, aux rêves et
aux êtres. En l’état, Prélude de cristal
m’obligera à quitter ma place de narrateur pour m’identifier à Lena et accepter
le pari périlleux et extraordinaire de devenir « elle » et de me
mettre à l’écoute de tout ce que le féminin m’a apporté et m’apporte dans le
quotidien. Contrairement à Freud qui déclara de façon abrupte n’avoir rien
compris aux femmes au terme de 35 années d’analyse, je dirai humblement que d’avoir
habité une année le personnage de Lena, comme s’il m’avait été demandé de jouer
ce rôle au théâtre, m’a fortement enrichi et a modifié un perçu du féminin qui
était parfois caricatural ou superficiel.
Saviez-vous, en
commençant ce livre, jusqu’où il vous entraînerait, géographiquement et
psychologiquement ?
Comme pour mes autres romans, l’histoire contée dans ce livre m’était
connue le jour où j’ai ouvert mon épais cahier cartonné pour l’écrire. Le
matériau était là. Les grèves sauvages de 1886 qui signent la fin du règne des
souffleurs de verre en région de Charleroi (dont je suis originaire) et les
contraint à s’exiler vers des cieux plus cléments. L’harmonica de verre et ses
sons éthérés. L’amour de la harpe et d’une harpiste, Maria Palatine. Tout est
en place quand je me lance dans cette aventure. Une surprise m’attend en cours
de travail, une obligation de me défaire de ma solide carcasse de bâtisseur
tout défi confondu pour entrer dans une forme de fragilité, d’ouverture aux
autres et à ce que la vie nous propose ou nous enlève, me coller à la voix du cœur.
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