Il est 1h20 à Madagascar, une heure plus tôt en France, je me branche sur France Culture et j'entends:
Ceux qui ont des difficultés avec l'espère humaine se réparent avec les jardins, la nature, les animaux...
J'ai reconnu la voix aux premières syllabes. Pascal Quignard a toujours le souffle qui déborde presque les mots, et on l'écoute. Je l'écoute, en tout cas. En me disant que je ferais mieux, tant qu'à ne pas dormir (tiens, Pascal Quignard explique qu'il doit savoir que le vertige est possible pour s'endormir), d'ouvrir son nouveau livre, paru hier, celui dont il parle sans en faire la "promotion" - il est vrai que son interlocuteur est Alain Veinstein.
Si j'ouvrais son livre, Les désarçonnés, j'entendrais moins bien sans doute ce silence qui vient après la question qu'Alain Veinstein vient de lui poser à propos de Freud.
Et je lirais ceci:
Il vomissait du sang. Les corbeaux venaient se poser, face à sa fenêtre, sur le toit pointu du pavillon du Louvre. Ils s’y amassaient dans une très grande multitude. Le roi de France éprouvait de la peur devant ces oiseaux qui grouillaient sur les tuiles, qui se poussaient les uns les autres avec leurs ailes pour trouver leur place, qui croassaient, qui graillaient, qui piaillaient, qui hurlaient. Le roi pensait que ces petites têtes luisantes, aiguës, scintillantes, étaient les âmes des morts qui lui faisaient reproche du massacre qu’il avait consenti le jour où la cité entière fêtait la Saint-Barthélemy. S’il restait couché, il avait des suffocations qui débouchaient sur des hoquets de sang. Alors il se levait. Il allait plusieurs fois, chaque nuit, à l’une des fenêtres, regarder si les oiseaux avaient eu la bonne idée de s’enfuir. À vingt- quatre ans il avait l’apparence d’un vieillard.
Et Pascal Quignard de se demander (à la radio) pourquoi il y aurait un ordre du monde...
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