Le nouveau livre de Salman Rushdie, Joseph Anton, ne paraît qu'après-demain (le jeudi 20 septembre, pour celles et ceux qui liront ceci plus tard) en France. J'ai tenté d'en obtenir les épreuves mais l'embargo a été décrété et on ne me les enverra, m'a dit une attachée de presse par ailleurs très sympathique, que le jour où le livre sera mis en vente.
Si je tombe jeudi, dans Libération ou Le Monde, sur des articles aux signataires desquels on aura laissé le temps de lire l'ouvrage (il est épais), je vais râler. D'ailleurs, je râle déjà. Après tout, j'avais reçu Les versets sataniques la veille de leur mise en vente, exactement le temps qu'il fallait pour passer la journée à en apprécier la valeur littéraire (immense!) et avoir le temps d'écrire un article paru, du coup, en même temps que le livre - je parle de la traduction française. On aurait pu faire la même chose cette fois-ci...
Mais, bon, plutôt que de râler stérilement, je tente de reporter l'énergie grognonne vers quelque chose d'utile. Après tout, Joseph Anton sort aujourd'hui en anglais et, à défaut de l'acheter (ce qui nécessiterait une infrastructure bancaire à laquelle je n'ai pas accès), je peux en lire les premières pages.
Tout de suite, une évidence: il ne s'agit pas du témoignage brut d'un homme condamné à mort par l'Ayatollah Khomeini. Il s'agit du livre d'un écrivain que les circonstances ont poussé à se prendre comme personnage principal de ce qu'il aurait probablement préféré ne pas avoir à écrire. Il y a mis du temps, d'ailleurs: la tristement célèbre fatwa a été prononcée en février 1989.
Joseph Anton commence donc le 14 février de cette année-là, par un coup de téléphone d'une journaliste de la BBC qui demande à Salman Rushdie (il, lui dans le texte - un personnage, donc - s'en veut de ne pas avoir retenu le nom de cette journaliste) comment il se sent. «Pas bien», répond-il. En réalité, il pense: «Je suis un homme mort» et que c'est une question de quelques jours...
Il ferme les volets et la serrure de la porte d'entrée. Les événements et les sensations se bousculent. Son mariage ne va pas bien, il doit aller à une cérémonie d'hommage à Bruce Chatwin, l'écrivain qui était son ami et est mort moins d'un mois avant, il a un rendez-vous pour une émission de la CBS - et voilà une voiture qui arrive pour le conduire à l'émission en direct... Il rouvre la porte d'entrée, sort, monte dans la voiture. Il ne le sait pas encore, mais il n'y reviendra plus avant trois ans.
Sa vie a basculé du côté sombre. Il n'était que l'auteur d'un livre, il devient une cible...
Il y en a ainsi quelques pages, que je n'ai pas pris le temps de lire complètement (j'ai moins l'habitude en anglais). Mais elles m'ont donné envie d'être déjà jeudi, pour poursuivre cette lecture en français.
En attendant, tout va mal: la prime offerte par la fondation iranienne pour l'assassinat de Salman Rushdie a été augmentée de 500.000 dollars.
En attendant, tout va bien: Salman Rushdie est vivant.
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