Richard Millet persiste et signe. L'Express lui donne aujourd'hui la parole sur trois pages intitulées Pourquoi me tuez-vous? et qui semblent bien longues, du moins pour qui a lu ses trois derniers livres. Car il ne fait qu'y reprendre, y ressasser, l'argumentation abondamment développée dans ces ouvrages. En insistant sur ce qui l'oblige à insister: on ne m'a pas lu, on ne me lit pas, affirme-t-il en dépit de l'évidence. Je n'aurais pas évidemment écrit ce que j'ai écrit sur ces trois livres (et ici, en plus bref) sans une lecture attentive des textes. Et il y a, signés d'autres noms, assez d'articles et de tribunes argumentés pour me donner à penser que je n'ai pas été le seul.
Peu importe. Comme dans ses livres, Richard Millet parle du haut de sa vérité et n'entend pas (dans tous les sens du mot) les reproches qu'on lui fait. D'ailleurs, de qui viennent-ils, ces reproches? De J.M.G. Le Clézio la semaine dernière dans Le Nouvel Observateur, d'Annie Ernaux (accompagnée par de multiples soutiens) plus récemment dans Le Monde. Entre autres. Tout cela au nom d'une haine devenue une chasse à l'homme, écrit-il, jouant au martyr dans une pose qui s'éternise. Puisque, après tout, on lui offre encore une tribune et qu'il ne cesse de s'exprimer sur les sujets qui le hantent. Mais, bien sûr, ceux qui l'attaquent ne sont que des têtes molles bien loin d'avoir, de la littérature (et de la civilisation?) une idée aussi élevée que la sienne.
Là-dessus, voilà qu'un libraire bruxellois, s'érigeant en moraliste, refuse de vendre les trois livres en question. Bon, il fait ce qu'il veut. Cela n'empêche pas les lecteurs, soumis au feu croisé de la polémique, d'aller voir eux-mêmes de quoi il retourne. Dans les meilleures ventes de L'Express (établies par Tite-Live), aujourd'hui toujours, la catégorie "essais-documents" accueille deux titres de Richard Millet, Langue fantôme, suivi d'Eloge littéraire d'Anders Breivik, 12e, et De l'antiracisme comme terreur littéraire, 17e.
Continuera-t-il à dire qu'il n'est pas lu?
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