vendredi 14 septembre 2012

Le prix Interallié décevant de Morgan Sportès

L’an dernier, le jury Interallié a sorti de son chapeau, comme tiré au sort parmi les livres qui auraient pu être couronnés ajoutés à ceux auxquels on ne pensait plus, le roman ambitieux et raté de Morgan Sportès, Tout,tout de suite, que voici réédité au format de poche.
Morgan Sportès avait publié, il y a une vingtaine d’années, L’appât, qu’il aurait pu intituler « Tout, presque tout de suite » et dont Marie Gillain était devenue la figure emblématique dans le film qu’en avait tiré Bertrand Tavernier. Tout, tout de suite, son nouveau roman, reprend la même méthode – un instant, la tentation est venue d’écrire « la même recette ». Un fait divers sordide, une enquête destinée à donner à ses protagonistes l’épaisseur de personnages romanesques, et la restitution de tout cela dans un livre avec lequel l’auteur souhaiterait (c’est implicite) atteindre le niveau de Truman Capote dans De sang froid.
Le niveau du genou, peut-être…
Certes, le récit est ce qu’on peut espérer si l’on a un peu entendu parler du « gang des barbares », une bande de voyous qui a enlevé et torturé, au début de 2006, Ilan Halimi, un jeune Juif pour la libération duquel une rançon avait été demandée – et jamais versée, l’histoire se terminant par la mort de la victime. C’est là où commence l’affaire publique, nourrie par la violence et les soupçons d’antisémitisme. Si les noms des personnes ont été modifiés, les détails sont scrupuleusement exacts.
Mais l’écriture est pesante. Il ne suffit pas d’intégrer quelques mots d’argot (« caillera », « taspé », etc.) dans la narration pour la rendre naturelle. Au contraire, la phrase piétine, d’autant que le narrateur semble, on se demande pourquoi, prendre ce langage à son propre compte. La phrase piétine jusque dans les dialogues où l’interprète-écrivain semble produire des fausses notes.
Reste que Tout, tout de suite est un livre qui fait naître l’envie de le terminer, pour aller au bout de la compréhension – ou de l’incompréhension. Au prix d’efforts qu’il ne méritait peut-être pas vraiment, se dit-on en le refermant. Sinon pour confirmer ce qu’on savait déjà : la société marchande génère des envies considérées comme des besoins, et il est tentant de tout faire pour les combler.

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