L’an dernier, le jury
Interallié a sorti de son chapeau, comme tiré au sort parmi les livres qui
auraient pu être couronnés ajoutés à ceux auxquels on ne pensait plus, le roman
ambitieux et raté de Morgan Sportès, Tout,tout de suite, que voici réédité au format de poche.
Morgan Sportès avait
publié, il y a une vingtaine d’années, L’appât,
qu’il aurait pu intituler « Tout, presque tout de suite » et dont
Marie Gillain était devenue la figure emblématique dans le film qu’en avait
tiré Bertrand Tavernier. Tout, tout de
suite, son nouveau roman, reprend la même méthode – un instant, la
tentation est venue d’écrire « la même recette ». Un fait divers
sordide, une enquête destinée à donner à ses protagonistes l’épaisseur de
personnages romanesques, et la restitution de tout cela dans un livre avec
lequel l’auteur souhaiterait (c’est implicite) atteindre le niveau de Truman
Capote dans De sang froid.
Le niveau du genou,
peut-être…
Certes, le récit est ce
qu’on peut espérer si l’on a un peu entendu parler du « gang des
barbares », une bande de voyous qui a enlevé et torturé, au début de 2006,
Ilan Halimi, un jeune Juif pour la libération duquel une rançon avait été
demandée – et jamais versée, l’histoire se terminant par la mort de la victime.
C’est là où commence l’affaire publique, nourrie par la violence et les
soupçons d’antisémitisme. Si les noms des personnes ont été modifiés, les
détails sont scrupuleusement exacts.
Mais l’écriture est
pesante. Il ne suffit pas d’intégrer quelques mots d’argot
(« caillera », « taspé », etc.) dans la narration pour la
rendre naturelle. Au contraire, la phrase piétine, d’autant que le narrateur
semble, on se demande pourquoi, prendre ce langage à son propre compte. La
phrase piétine jusque dans les dialogues où l’interprète-écrivain semble
produire des fausses notes.
Reste que Tout,
tout de suite est un livre qui fait naître l’envie de le terminer, pour
aller au bout de la compréhension – ou de l’incompréhension. Au prix d’efforts
qu’il ne méritait peut-être pas vraiment, se dit-on en le refermant. Sinon pour
confirmer ce qu’on savait déjà : la société marchande génère des envies
considérées comme des besoins, et il est tentant de tout faire pour les
combler.
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