Geneviève Damas avait déjà reçu l'an dernier, en Belgique, le prix Rossel pour son premier roman, Si tu passes la rivière. Son audience s'élargit tout à coup avec, hier, pour le même livre, le prix des Cinq continents de la Francophonie.
La cérémonie de remise de
cette distinction aura lieu le 11 Novembre 2012 à Toulouse, dans le cadre du Salon
du livre Midi-Pyrénées.
Le jury, réuni le 24
septembre au siège de l’OIF a qualifié ce roman « d’une rivière comme la frontière entre le silence et le langage,
le message et la vérité, le mimétisme et la naissance à soi-même ; la parole
d’un enfant qui naît comme un balbutiement pour atteindre la force du cri : un
hommage à la vertu libératrice de l’écriture ».
Née en 1971, Geneviève Damas
est une comédienne, metteur en scène et auteur belge. Après une licence en
droit à l’Université de Louvain, elle suit une formation de comédienne à
l’IAD-Théâtre puis se tourne vers la comédie et la mise en scène du théâtre et
de l’opéra. Depuis 1999, elle organise les soirées littéraires et musicales «
Portées-Portraits ».
La lauréate a été choisie
parmi les 10 finalistes de l’édition 2012, ressortissants des 8 pays suivants :
Sénégal, Liban, Canada-Québec , Maroc, Fédération Wallonie-Bruxelles, Rwanda,
Tunisie, et France. Elle succède à la québécoise Jocelyne Saucier, lauréate de
l’édition 2011 pour son roman Il pleuvait
des oiseaux (Editions XYZ).
Le jury a également été
touché par Kuessipan de Naomi Fontaine
(Editions Mémoire d’encrier) qu’il a défini comme une « élégie mélancolique consacrée à l’esprit ancien des grands-mères
et à cette obsession de mettre au monde ».
Le Prix des cinq
continents créé par l’OIF en 2001 permet de mettre en lumière des talents
littéraires reflétant l’expression de la diversité culturelle et éditoriale en
langue française sur les cinq continents et de les promouvoir sur la scène
littéraire internationale. Il est animé par un jury international prestigieux :
Lyonel Trouillot (Haiti), Lise Bissonnette (Canada-Québec), Monique Ilboudo
(Burkina Faso), Paula Jacques (France-Égypte), Vénus Khoury-Ghata (Liban),
Pascale Kramer (Suisse), Jean-Marie Gustave Le Clézio (Maurice), René de
Obaldia de l’Académie Française (Hong Kong), Leïla Sebbar (France-Algérie) et Jocelyne
Saucier lauréate du prix 2011, qui siégeait pour cette session.
Dès son premier roman, Geneviève Damas
manifeste le désir de sortir des sentiers battus et de trouver une voix
originale. Celle de François Sorrente qui, à dix-sept ans, ne connaît
rien du monde sinon la violence de sa famille et le sentiment de perte
créé par le départ de sa sœur. La rivière, qu’il est interdit de
traverser, est le symbole d’une frontière au-delà de laquelle se situent
tous les dangers mais aussi toutes les expériences. Un curé à la vie
paradoxale et une femme généreuse renforceront sa volonté de comprendre
qui il est et quel est son destin. Probablement pas en compagnie des
cochons qui étaient auparavant ses seuls amis, parce qu’ils ne le
trahissaient pas.
Pour goûter le ton de Geneviève Damas, rien de mieux que de lire les premières lignes de son roman:
«Si tu passes la rivière, si tu passes la rivière, a dit le père, tu ne remettras plus les pieds dans cette maison. Si tu vas de l’autre côté, gare à toi, si tu vas de l’autre côté.» J’étais petit alors quand il m’a dit ça pour la première fois. J’arrivais à la moitié de son bras, tout juste que j’y arrivais et encore je trichais un peu avec les orteils pour grandir, histoire de les rejoindre un peu mes frères qui le dépassaient d’une bonne tête, le père, quand il était plié en deux sur sa fourche. J’étais petit alors, mais je m’en souviens. Il regardait droit devant, comme si la colline et la forêt au loin n’existaient pas, comme si les restes des bâtisses brûlées c’était juste pour les corbeaux, si rien n’avait d’importance, plus rien, et que ses yeux traversaient tout.
«Arrête de me crier dessus comme une vache, que je lui ai dit, arrête de crier. Je ne veux rien savoir de l’autre côté. Jamais. Tu n’as pas à te biler. Ton François, il restera. Il n’y aura jamais autre chose.»
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